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n°30 février/mars 2010
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Elle perturbe l’activité des microtubules neuronaux
(micro-conduits qui permettent de faire circuler les
informations et les nutriments des cellules nerveuses).
Elle nuit à la transmission synaptique. Enfin, elle favorise
et induit l’apparition des maladies dégénératives du
système nerveux comme l’Alzheimer ou certaines
démences nommées TAUophaties. Ils ont alors découvert
qu’une autre protéine endogène (fabriquée par
l’organisme) et portant le « nom de code » FKBP52
possédait un rôle très important. Il a été montré, in
vitro, que la protéine FKBP52 bloquait la protéine TAU.
Elle empêche TAU de fonctionner correctement. Lorsque
la FKBP52 est présente en quantité importante dans une
cellule on diminue l’activité, mais aussi la quantité de
protéine TAU dans cette cellule. La FKBP52 est naturelle,
mais si elle est fabriquée en quantité faible par
l’organisme on peut présumer, à terme, une anomalie du
fonctionnement de TAU dans le système nerveux.
Clairement, l’expérience conduite en laboratoire va
devoir être adaptée, à terme, à une expérimentation dans
le corps humain, mais la « transposition » d’une
expérience in vitro à une expérimentation in vivo ne se
fait pas sans aléas. De plus, s’il existe bien une relation
biologique entre les deux protéines, cette relation
peut-elle être incriminée à 100% dans la pathologie
Alzheimer… En attendant, voilà une découverte qui
devrait permettre de stabiliser voire de faire régresser
la maladie d’Alzheimer.
Comment la
« bonne » protéine
va pouvoir agir
L’étape suivante sera de modéliser l’expérimentation
in vivo sur des souris génétiquement modifiées afin
d’induire une maladie dégénérative impliquant une
protéine TAU altérée. Ces souris seront donc des modèles
biologiques qui permettront ensuite une expérimentation
sur l’homme. Des expériences seront conduites avec des
laboratoires en France, aux USA, en Australie et en
Allemagne.
L’idée serait alors de mettre la protéine FKBP52 en
compétition avec la protéine TAU, en lui « greffant » des
molécules pharmaceutiques susceptibles d’amplifier son
pouvoir d’inhibition et d’empêcher significativement le
développement anormal et le fonctionnement de la
protéine TAU. Selon le Pr Baulieu « de nombreuses
molécules brevetées existent déjà dans les tiroirs
des firmes pharmaceutiques. Elles sont actuellement
inutilisées car elles ne trouvaient pas d’applications
thérapeutiques, ce qui n’est plus le cas avec la découverte
qui vient d’être faite. Il reste à sélectionner la
molécule active ».
Il pourrait être possible aussi, compte tenu de son
affinité importante avec la protéine TAU, de greffer sur la
protéine FKBP52 un médicament qui agirait directement
en inhibant la protéine TAU. La protéine FKBP52 agirait
alors comme un véhicule très efficace.
Une expérimentation avec un médicament anti-TAU
est déjà en cours chez l’homme.
Quels espoirs
peut-on en attendre
Par ailleurs, outre des applications curatives, cette
protéine pourrait permettre d’élaborer un diagnostic plus
précoce et plus sûr. Des contacts ont été pris avec
l’hôpital Pitié-Salpêtrière et l’hôpital Charles FOIX, avec
lesquels sera mis au point un diagnostic précoce par une
prise de sang. S’il n’y a pas assez de protéine FKBP52, la
personne serait susceptible de générer la maladie
d’Alzheimer ou toute autre démence dégénérative du
système nerveux central.
Selon le Pr Baulieu : « statistiquement, les personnes
plus intelligentes et plus actives cérébralement ont
moins de chance de développer la maladie, mais des
personnes intelligentes et actives peuvent quand même
être atteintes… ». Cela supposerait qu’il y ait un taux
insuffisant de protéine FKBP52 qui nuirait à une
régulation « naturelle » de la protéine TAU chez un
individu présentant les symptômes de la maladie. Un
dosage sanguin permettrait d’effectuer un diagnostic
précoce, les signes biochimiques apparaissant, selon
le Professeur Baulieu, une dizaine d’années avant la
maladie. Or une maladie dépistée précocement, c’est une
augmentation des chances de réussite d’un traitement et
une diminution du coût social de la maladie.
Conclusion
Le Professeur Baulieu semble très confiant en l’avenir.
Il estime qu’en deux ou trois années, des progrès
considérables pourraient être réalisés. Il explique que,
souvent, les premières recherches fondamentales sont
effectuées dans des centres de recherche publics.
Ensuite, si la découverte offre une perspective, des par-
tenariats sont élaborés avec l’industrie pharmaceutique
qui prend le relais financièrement, permettant ainsi
d’augmenter encore les possibilités d’aboutir à un
médicament commercialisable à disposition des malades.
Le budget de cette recherche est estime à 5 millions
sur trois ans. Seuls des dons de particuliers et d’entreprises
financent ces recherches a travers la FondationVivre
Longtemps et l’Institut Baulieu. Les dons sont possibles
sur le site de l’Institut :www.institut-baulieu.org
ou par chèque à adresser à l’Institut du Professeur Baulieu -
Bâtiment Pincus, 80 rue du général Leclerc -
94 270 Le Kremlin Bicêtre.Tél.: 01 49 59 18 84.
Des résultats
en 2 ou 3 ans