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n°34 Mars/Avril 2011
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cal ou encore toutes les officines de pharmacie, car la
chaine du médicament fait intervenir des chainons qui
sont cloisonnés et communiquent peu entre eux. Par ail-
leurs, le comportement consumériste des "malades" exer-
çant trop souvent une pression sur le corps médical porte
également une part de responsabilité importante dans
les dérives observées. Certes, les décès survenus dans
l'affaire Médiator n'appellent aucune excuse. Il faut pour-
tant analyser cette situation pour que ce type de scan-
dale ne se reproduise plus.
Quelques rappels.
Initialement, le Médiator® est indiqué comme adjuvant
du régime adapté chez les diabétiques avec surcharge
pondérale. L’intérêt d’une prescription dans cette indica-
tion est de réduire l’appétence d’un malade diabétique et
donc de réduire sa ration alimentaire afin qu’il perde du
poids et améliore par effet indirect son état de santé, la
surcharge pondérale étant une caractéristique aggra-
vante de la maladie diabétique de type 2 (diabète
« gras », donc non insulinodépendant). Par ailleurs, la
molécule provoque une réduction de l’hyperglycémie.
Ces propriétés « originales » défendues dès le départ par
le laboratoire a permis sa commercialisation en 1976, en
occultant ses propriétés anorexigènes liées à sa structure
amphétaminique et donc aux risques dangereux liés à
cette classe pharmacologique.
La dérive observée et initiée par le laboratoire lui-même,
selon le rapport de l’Inspection Générale des Affaires
Sociales (IGAS), s’est étendue à la prescription de la
molécule à toute personne non diabétique désirant per-
dre du poids sans efforts…Les nombreux accidents
observés en Europe ont contribués certains pays à un
retrait rapide, sauf en France où le Médiator a poursuivi
sa « carrière » jusqu’à son retrait récent en 2009.
Dans l’alinéa 43 de la synthèse de ce rapport*, il est dit
que le laboratoire a délibérément et pertinemment
occulté la propriété anorexigène du Médiator dans un
rapport donné à l’Agence Française de Sécurité Sanitaire
des Produits de Santé (AFSSAPS) en 1999.
*(La synthèse du Rapport est téléchargeable sur le lien
http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/Synthese_MEDIATOR.pdf)
La Loi du profit
Le premier principe que l'on peut retenir est que la Loi du
profit peut s'appliquer à pratiquement tous les domaines,
y compris celui de la santé. En effet, la recherche phar-
macologique coûte très cher et elle est absolument
nécessaire à la découverte de nouveaux médicaments. La
mise au point d’un médicament nécessite l’essai d'une
« cargaison » de plusieurs milliers de molécules au
départ. Après les tests, 2 ou 3 seulement sont retenues
pour avancer dans les étapes suivantes qui comprennent
quatre phases. Au final, une période comprise entre 20 et
30 ans est nécessaire pour mettre au point un médica-
ment. Et cela coûte très cher : il faut financer les struc-
tures, les équipes, le matériel etc… Néanmoins, une fois
la molécule lancée sur le marché et elle est « lâchée » sur
une échelle de population qui couvre souvent toute la
planète. Il devient obligatoire de suivre ce médicament
afin d’évaluer le rapport bénéfice / risque pour la popu-
lation.
Principe de
pharmacovigilance
La pharmacovigilance a pour objet la surveillance du
risque d'effet indésirable résultant de l'utilisation des
médicaments ou des produits mentionnés à l'article
R.5144-1 du code de la santé publique.
Le réseau est constitué de 31 centres régionaux de phar-
macovigilance répartis de façon à favoriser les échanges
de proximité avec les professionnels de santé. Parmi
leurs missions, ils sont notamment chargés de recueillir
les déclarations d'effets indésirables que doivent leur
adresser les médecins, chirurgiens-dentistes, les sages-
femmes et les pharmaciens ; et de renseigner les profes-
sionnels de santé sur leur territoire d'intervention.
Toutes les déclarations sont ensuite centralisées à
l’AFSSAPS.
Lorsque la prescription d’un médicament couvre une
grande population, la fréquence des effets indésirables
peut augmenter, ou encore de nouveaux effets, non pré-
vus lors de la mise au point du médicament, peuvent
apparaître. Le médicament peut alors être réévalué. Les
retours effectués vers les centres de pharmacovigilance
et les évaluations qui en découlent peuvent amener les
autorités et/ou le laboratoire propriétaire à retirer le
médicament, dans la mesure où le bénéfice / risque n’est
plus assuré.
C’est ce système de pharmacovigilance qui est
aujourd’hui mis en cause et qui fait l’objet de toutes les
attentions du Ministère.
Si la santé n’a pas de prix, en revanche elle a un coût.
Toute la difficulté est de permettre le meilleur accès aux
soins à la population d’une des principales puissances
mondiales, la France, en maintenant une économie équi-
librée entre les intérêts publics et les intérêts privés.
A l’heure où le Ministère de la Santé étudie la
possibilité de vente de médicaments sur Internet, et
sachant que plus de 30% des médicaments circulant
via Internet sont des contrefaçons, il se pose alors la
question, pour chacun et pas seulement pour les
professionnels, de réaliser que le médicament n’est
pas un produit industriel soumis aux règles d’un
produit de consommation.
Le Médiator est indiqué principalement pour le
diabète.Or une dérive s’est installée dans l’utilisation
à des fins de perte de poids chez des sujets non diabé-
tiques. Selon l’Association Française des diabétiques le
taux d’utilisation hors diabète a pu atteindre les 60%.
Il en résulte que cette dérive dans un système de
pharmacovigilance défaillant serait responsable de
plus de 1.000 décès.