L
es mégadonnées ou « big data » constituent une masse
de données collectées, tellement importante (plusieurs
dizaines ou centaines de millions), qu’un esprit humain,
même intuitif, ne serait pas en mesure d’effectuer des
rapprochements, ni de mettre en place une analyse permettant
de faire ressortir un résultat interprétable sous forme d'un texte
qui puisse ensuite être appliqué dans une méthodologie ou dans
un protocole de traitement d’une pathologie comme le cancer.
Un réseau de neurones artificiels
On utilise des algorithmes qui existent depuis plusieurs
décennies et qui permettent de transformer l’entrée d’une très
grande quantité de données numériques (mégadonnées), en
données textes, en sortie.
Ce qui en fait une particularité, grâce à l'intelligence artificielle
(IA), c'est que ces systèmes ont la capacité « d’apprendre », c’est
à dire d’arriver à une conclusion en comparant, à une vitesse
vertigineuse, l’ensemble des données. Par exemple, si l'on
alimente le système avec une masse importante de données de
chats et de chiens, au bout d'un temps très court, les millions
d'images seront toutes analysées par le système. L’évolution
majeure est que ce réseau de neurones artificiels est capable
d'analyser une nouvelle image et de rendre une analyse en
« texte », donc interprétable pour l'homme, avec un résultat très
fiable, comme de dire s’il s’agit d’un chat ou d’un chien, mais
aussi de donner la race et toutes les caractéristiques de celle-ci.
Quelques domaines d’application
L’exploitation de l’intelligence artificielle (IA) peut-être faite
dans le domaine de l'imagerie car ce réseau de neurones artificiels
sera capable d'identifier des cellules cancéreuses.
Il est aussi possible d'aller sur le terrain de la médecine de
précision en analysant le génome. Une grande partie des réponses
aux traitements actuels pourraient être pris en charge beaucoup
plus tôt avec une probabilité de guérison beaucoup plus grande.
L’administration de médicaments pourra être optimisée car on
saura, à l’avance, si tel ou tel malade est susceptible de réagir
avec adéquation à tel ou tel traitement ou protocole, quand
aujourd’hui il faut « tâtonner ».
Qu’est-ce qu’un séquençage ADN ?
Il consiste à révéler la séquence des bases azotées de l’ADN (Acide
Désoxyribonucléique) qui est le code biologique qui permet de
caractériser un être vivant. Pour faire simple, des protéines et
de l’ADN forment les chromosomes transmis de génération en
génération. Un gène est une séquence plus ou moins courte de
l’ADN porté par les chromosomes.
Pour réaliser un séquençage, dans le principe, il faut placer un
prélèvement d’ADN sur un gel et faire passer un courant électrique
pour séparer les brins et analyser la totalité des séquences des
bases azotées (Adénine, Cytosine, Guanine, Thymine) qui sont à
l’ADN, ce que les atomes sont à une molécule : une caractéristique
fondamentale et reproductible.
En avril 1953, lorsque les chercheurs Watson et Crick publient
dans Nature, un article sur la découverte de l’ADN (Prix Nobel
1962) ils pensaient que, compte tenu de la complexité de ce qu’il
venaient de découvrir, il ne serait jamais possible de l’analyser
dans sa totalité.
Aujourd’hui, pour une centaine d’euros, en dix minutes, il est
possible de séquencer la totalité d’un ADN en posant le brin à
analyser sur une puce et en faisant passer un courant électrique.
La société 23andMe, dont Google est actionnaire, propose pour
199 US$, à partir d’un échantillon salivaire de repérer un certain
nombre de prédispositions à des pathologies sur les 23 paires
de chromosomes et de révéler vos origines au niveau de la
population mondiale.
Les experts prédisent que dans quelques années plus de la moitié
de la population mondiale aura été séquencée une à deux fois
au moins.
Des répercussions économiques
considérables
Dans l’univers de la santé, l’enjeu est mondial, car les données
recueillies à partir de prélèvements divers (sang, salive, cheveux,
ongle, etc.), une société comme Google serait capable de faire
une analyse prédictive.
Pour prendre une image : il y a les mégadonnées (le carburant),
une voiture (l’intelligence artificielle) qui peut aller extrêmement
vite et des pilotes (les entreprises) qui, aujourd’hui, se posent la
question de savoir comment piloter la voiture…
La naissance de nouvelles
méthodes de travail :
innovation et transdisciplinarité
Le programme Epidemium consiste à créer une coordination
de compétences très hétérogènes entre experts théoriques
(chercheurs) et experts du corps humain (médecins), sans oublier
les malades qui restent au cœur du système. Cela permet de
créer une « open data » autorisant des recherches de tous types,
publiques ou privées. Cette collaboration est basée sur la mise
en commun de mégadonnées ou « big data » dans le domaine de
l’épidémiologie des pathologies cancéreuses.
L'intérêt est, bien sûr, de prévoir les pathologies cancéreuses
en fonction d’un ensemble de facteurs de risque : génétique
d’abord, puis environnemental et comportemental.
Bientôt, la question sera de savoir à partir de quel moment
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s a n t é
N°61 - Mars / Avril 2018