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L

'immunologie n'a pas dit son dernier mot, forte des

dernières avancées en recherche fondamentale, l'immuno-

oncologie est appelée à se développer lentement mais

sûrement même si, pour l'instant, 60% des patients seulement

y répondent favorablement.

L'immunologie

comment ça marche ?

Dans le principe, lorsqu'un corps étranger pénètre dans

l'organisme, celui-ci réagit sur deux plans : une réponse innée,

cellulaire, et une réponse acquise, cellulaire (lymphocytes)

et sérologique (anticorps). La première est rapide mais de

courte durée, la seconde lente à se mettre en place mais

très puissante. Mais la nature étant bien faite, l'organisme

conserve quasiment à vie, la mémoire de l'antigène intrusif.

Lorsque celui-ci se présente une seconde fois, la réponse ne

se fait pas attendre. Elle est rapide et puissante et le danger

est rapidement écarté.

Par exemple, dans une maladie comme le SIDA (syndrome

d’immunodéficience acquise), le virus détruit le système

immunitaire de l'organisme, lequel devient très vulnérable à

presque toutes les infections (mycologiques, bactériennes ou

virales) qui prennent une dimension mortelle.

Autre exemple de mécanisme immunitaire : la vaccination. Le

principe de la vaccination est d'introduire un corps étranger

(antigène) dont les propriétés pathogènes ont été réduites à

néant, ce qui n'empêche pas le système immunitaire de réagir

et de développer une immunité très solide. C'est ce qui évite

qu'une population soit décimée, comme cela se produisait, il

y a à peine un peu plus d'un siècle...

La stratégie de

l'immuno-oncologie

Dans le cas d'un cancer, les cellules tumorales résultent d’une

altération du matériel génétique et elles se développent

de façon anarchique à une vitesse plus rapide qu'un tissu

sain qui lui fait l'objet d'une régulation « en règle ». Cette

multiplication de cellules anormales génère une tumeur dont

le développement se fait au détriment du tissu sain...

En fait, bien que dérégulée en ce comportant comme une

cellule étrangère, la cellule cancéreuse reste indétectable

par le système immunitaire. Autrement dit, les cellules

immunitaires restent « aveugles » et insensibles.

Cette nouvelle thérapeutique, l'immuno-oncologie, est

utilisée avec plus ou moins de succès depuis 5 à 6 ans. Elle

connaît un plein essor depuis plusieurs mois, au point que

tous les grands groupes pharmaceutiques internationaux s'y

intéressent, comme beaucoup de médecins oncologues et

d'équipe en recherche fondamentale.

Pourquoi cet intérêt soudain ? Les derniers résultats en

recherche fondamentale sur les mécanismes immunitaires

apportent une réponse.

La cellule immunitaire comporte à sa surface des points

d’activation appelés « points de contrôle immunitaires »

lesquels sont bloqués par les cellules tumorales. L’objet du

protocole sera de réactiver le processus immunitaire en levant

les inhibitions générées par les cellules tumorales au niveau

de ces points de contrôle immunitaire.

La stratégie peut être :

Active, par stimulation globale des processus de la réponse

immunitaire,

Passive, par l’administration d’anticorps thérapeutiques.

Les thérapies immunitaires mises au point il y a 20 ans avec les

anticorps monoclonaux, fabriqués en laboratoire, ont permis

de belles avancées dans le traitement de certains cancers.

Cependant, se développent aujourd’hui des techniques

personnalisées :

Le vaccin thérapeutique : on réalise un prélèvement de la

tumeur du patient, puis on réalise un vaccin thérapeutique

personnalisé. On stimule ensuite spécifiquement les cellules

immunitaires contre la tumeur.

La thérapie cellulaire : on prélève les cellules immunitaires

du patient. Elles subissent une manipulation en laboratoire

afin qu’elles puissent cibler spécifiquement les cellules

tumorales du patient afin de les détruire.

Selon le Dr Delphine Loirat, de l’Institut Curie :

« Pour se

développer en toute impunité, les cellules tumorales apprennent

à verrouiller certains de ces points de contrôle. La seule

activation du système immunitaire ne suffit pas à déclencher

une réaction contre les cellules tumorales. Les médecins et

les chercheurs ont désormais pleinement conscience qu’il faut

identifier ces points de contrôle et les débloquer. C’est en

quelque sorte le chaînon manquant de l’immunothérapie contre

le cancer qui vient d’être découvert car l’inhibition du système

immunitaire apparaît plus forte que tous les moyens qui ont

été développés à ce jour pour l’activer. Le déblocage du système

immunitaire devrait certainement marquer l’avènement des

immunothérapies ».

En résumé, jusqu’à aujourd’hui, ce sont les cellules cancéreuses

qui étaient directement visées par la radiothérapie ou la

chimiothérapie. Aujourd’hui, en plus, avec l’immunothérapie,

c’est le système immunitaire du patient qui est ciblé afin

qu’il puisse éradiquer la tumeur de façon spécifique et plus

longtemps.

Mais ce n’est pas tout... Une équipe d’immunologie

translationnelle de l’Institut Curie étudie le rôle du microbiote

dans la réponse immunitaire des patients. Il n’est pas

impossible que le microbiote intestinal ait une incidence sur

le système immunitaire quand on sait qu’il peut être impliqué

dans des pathologies aussi diverses que l’asthme, et même

certaines pathologies liées à une dégénérescence nerveuse

comme l’autisme, la maladie d’Alzheimer et le Parkinson.

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s a n t é

N°61 - Mars / Avril 2018