EM
n°53 fév. / mars 2016
(15)
omme toute maladie infectieuse, le SIDA ne peut que continuer
à s’accroître mondialement, puisque le virus rencontre une
population vierge d’anticorps. Or à ce jour, seule existe une
thérapeutique dont les résultats sont globalement positifs.
Mais un traitement, aussi puissant soit-il, ne peut stopper une
épidémie, car l’on est contraint de traiter une conséquence et
non la cause. Un vaccin curatif dans un premier temps, puis
préventif dans un second temps permettra une réelle avancée,
comme cela a été le cas pour d’autres maladies épidémiques
telles que la diphtérie, le tétanos ou la poliomyélite et qui ont
été quasiment éradiquées grâce à une vaccination généralisée.
Dans cette hypothèse, dont on espère qu’elle verra le jour
bientôt, le virus ne pourra plus infecter un organisme sans
être immédiatement rejeté par le système immunitaire. Ainsi,
pour l’instant, le VIH peut à tout instant se multiplier et se
reproduire grâce au matériel génétique des cellules hôtes.
Principe
d’immunologie
Un organisme est constitué de cellules dont certaines sont
fixes et d’autres mobiles (comme dans le sang). Lorsqu’un
corps étranger pénètre dans l’organisme, il va immédiatement
déclencher un signal qui va mobiliser un mécanisme complexe
de réactions qui s’effectuent en deux temps. Une réaction
immédiate, dite cellulaire, et une réaction différée, dite
sérologique. Immédiatement vont se mobiliser plusieurs
catégories de cellules sanguines : les leucocytes qui sont des
cellules tueuses vont s’unir pour détruire le corps étranger que
l’on appelle antigène. Des réponses plus tardives se mettent
ensuite en place. Des messages chimiques (lymphokines,
interleukines et cytokines) sont transmis et l’organisme,
préalablement infecté, fabrique des anticorps qui sont
spécifiques de l’antigène selon un schéma « clé/serrure».
Enfin, et c’est fondamental, l’organisme va conserver la mémoire
de cette infection, si bien que si une nouvelle intrusion
survient, la fabrique d’anticorps aura une réaction rapide et
sa réponse sera d’une amplitude très importante, détruisant
l’antigène en quelques jours ou en quelques semaines.
Ainsi, le principe de la vaccination consiste à introduire dans
l’organisme un élément caractéristique du corps étranger :
une protéine, un fragment de membrane ou le corps étranger
lui-même sous une forme atténuée et non infectieuse.
L’administration du vaccin va engendrer une réaction en chaine
destinée à provoquer une production massive d’anticorps.
Lorsque le vrai virus (ou la une vraie bactérie) pénétrera
dans l’organisme il sera immédiatement identifié et détruit
simultanément par les leucocytes et les anticorps. La maladie
n’aura pas le temps de se développer, ou très faiblement.
L’organisme s’en trouvera encore plus renforcé. Ainsi en est-il
d’un seul organisme.
Mais pour stopper une épidémie, il est nécessaire et
fondamental qu’un très grand pourcentage de la population
humaine soit vacciné, de sorte que lorsque les virus tentent
de passer d’un organisme humain à un autre ils rencontrent
systématiquement des organismes déjà prêts à se défendre.
Ne pouvant se multiplier sur un grand nombre d’humains, le
virus ne peut se reproduire puisqu’immédiatement détruit et
l’épidémie s’éteint rapidement. C’est pour cette raison qu’une
maladie comme la diphtérie a été totalement éradiquée de la
surface de la terre, sauf dans quelques centres de recherche
haute sécurité, ou que la polio ou le choléra ne produisent plus
les milliers de morts comme on pouvait le voir il y a à peine
un siècle...
Autre cas de figure, il est possible qu’un vaccin ne soit pas
disponible. Le virus ou la bactérie en question possède
une pathogénicité suffisante pour infecter une personne
éventuellement plusieurs, mais pas assez pour déclencher une
épidémie. C’est le cas d’un herpes (virus), ou d’une candidose
(champignon)... Il suffit de prendre le traitement adéquat pour
s’en sortir plus ou moins rapidement.
Comment le VIH
attaque un organisme
Le VIH est un virus à ARN. L’ARN signifie Acide Ribo Nucléique,
et c’est l’un des systèmes de codification cellulaire permettant
la synthèse des protéines dont l’organisme a besoin pour se
développer, se défendre et vivre, tout simplement. Le VIH
qui infecte une personne n’est nullement l’objet d’une réaction
immunitaire de la part de celle-ci puisque la personne est
vierge de toute atteinte préalable, bien au contraire, il va même
sélectivement se fixer au niveau des récepteurs CD4 (cluster de
différenciation 4) d’une catégorie de cellules sanguines tueuses
de la famille des leucocytes : les
lymphocytes T CD4+
. Une
fois entré, le VIH (de la catégorie des rétrovirus) va utiliser un
réacteur chimique biologique nommé enzyme (la transcriptase
inverse) pour coder l’ARN en ADN (Acide Desoxyribo Nucléique).
L’ADN viral va maintenant pouvoir pénétrer le noyau de la
cellule infectée et commencer à utiliser le matériel de la cellule
hôte pour se multiplier et répliquer un nouvel ARN viral qui va
aller contaminer un autre lymphocyte T CD4+, et ainsi de suite.
Au bout de quelques mois l’atteinte se généralise et le virus
peut rester dans un réservoir dormant. Puis après une dizaine
d’années, on observe un anéantissement des lymphocytes T
CD4+. La quantité de lymphocytes T CD4+ est d’ailleurs un
marqueur de la maladie et est quantitativement inverse de la
charge virale (définie ci-après). Puis, le virus va se loger dans
tous les tissus à fonction immunitaire : moelle, rate, thymus,
amygdales, ganglions lymphatiques... Lorsque la destruction
cellulaire immunitaire devient supérieure à la fabrication
de ces mêmes cellules, le système immunitaire s’effondre.
Le sujet devient alors très vulnérable aux
infections dites
«opportunistes»
: tuberculose, herpès, hépatite, candidose,
toxoplasmose, diarrhées sévères et chroniques... qui chez
un individu normal pourrait être stoppée par un traitement
adéquat. Enfin, l’organisme étant considérablement affaibli,
il reste sensible au développement de cancers : sarcome de
Kaposi (atteinte des muqueuses des vaisseaux sanguins et des
muqueuses du tube digestif), lymphome (atteinte du système
lymphatique), cancer du poumon, du foie, de l’utérus.
La
charge virale
est définie comme étant la quantité de
virus dans le sang et les liquides corporels (notamment les
sécrétions sexuelles et le lait maternel). Elle s’exprime en
nombre de copies du virus par millilitre (copies/ml). Plus
celle-ci est basse et plus la personne est en voie de guérison.
Lorsque la charge virale devient indétectable, les risques
de contamination existent toujours, mais sont réduits.