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n°49 nov. / déc. 2014
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possibilité d’accéder au diplôme afin de limiter la population
pharmaceutique car le nombre de pharmacies, en France obéit
à une autre Loi, la Loi de répartition. Les médecins, comme
d’autres professions dites réglementées, sont également
soumis au numerus clausus.
La
Loi de répartition
régit le nombre de pharmacies en fonction
du nombre d’habitants sur un secteur territorial ou encore selon
l’évolution de la population locale. En effet, sur le territoire
national, le nombre et l’emplacement des pharmacies sont figés.
La création d’une officine est devenue rarissime. Toutefois une
possibilité de transfert existe, à condition qu’elle réponde à une
série de critères bien définis. Le nombre de pharmacie obéit
à une notion de
quorum
. En France, une pharmacie ne peut
s’installer dans une agglomération que si la population atteint
2 500 habitants. Au dessous, cela lui est interdit par le préfet.
Par la suite une nouvelle pharmacie peut s’installer par tranche
de 4 500 habitants supplémentaires. Ainsi, une ville de 7 000
habitants ne peut avoir que 2 pharmacies. Lorsqu’un pharmacien
souhaite s’installer, le diplôme ne lui suffit pas, il devra recevoir,
en plus, un
accord préfectoral
et une
licence
lui est accordée
pour la durée de son exercie dans l’offficine exploitée.
Ce n’est que si toutes ces conditions sont remplies que le
pharmacien peut exercer sa profession en pharmacie d’officine.
Par ailleurs, en France, afin de garantir une exploitation
officinale de qualité, le pharmacien doit être
propriétaire de
son fonds de commerce
. Ainsi, la responsabilité en cas de
faute est immédiate. Enfin, dans ces conditions, le pharmacien
travaillant dans l’intérêt de son propre outil de travail, son
exercice ne peut être que meilleur. Il existe, concernant la
propriété du fonds, et l’exercice de la pharmacie, des variantes
possibles, car cet exercice peut être réalisé en sociétés qui
peuvent revêtir diverses formes juridiques.
Un monopoly ?
Bien sûr que non. Ainsi, il est bien évident que la La législation
et la réglementation n’ont rien à voir avec la notion de
situation monopolistique dans un sens économique et
capitalistique. Le monopole et les autres critères définis par le
Code de la Santé Publique n’a aucun autre but que de préserver
la sécurité sanitaire de la chaine du médicament, de garantir à
tous les citoyens un accès aux soins en préservant le meilleur
maillage territorial, de recevoir un service qui pourrait être
digne d’un service public, bien que relevant du secteur privé,
pour recevoir au sein des 22 000 officines françaises beaucoup
plus de personnes que dans la totalités des magasins de la
grande distribution (GMS).
Les tentations
e gouvernement aurait aimé, en dérégulant cet édifice, redonner
du pouvoir d’achat aux français, en faisant jouer la concurrence sur
les médicaments, dits « grand public » ou de médication familiale,
qui ne relèvent pas de la prescription médicale obligatoire. Le lobby
prédateurdesgrandessurfacesestlàpourfairejouercetteconcurrence,
mais le leurre est aisé car cette concurrence ne s’exercerait que
sur une toute petite part de marché puisque la dépense de santé
en médication familiale est de 35 à 40 euros par français et par
an! L’effet d’annonce d’une baisse de 30% ne représenterait qu’une
maigre économie de 5 à 10 euros par an. Enfin, le gouvernement,
qui souhaite faire baisser les prix, a augmenté la TVA sur ces
médicaments de 5,5% à 10%... Vous aviez dit pouvoir d’achat ?
La technique GMS
En 2014, la consommation des ménages en produits alimentaires
stagne et donc le chiffre d’affaires global de la grande ditribution
est en régression depuis 3 ans (source : rapport DGCCRF, fév.2014).
Elle espère donc pouvoir amorcer une croissance en s’attaquant
à d’autres secteurs, et le marché du médicament en est un. Or
avec une population vieillissante ce sera l’un des marchés en
développement lors des prochaines décennies. Il est clair que
l’objectif premier est d’acquérir le médicament familial. Mais 40
euros par an et par français de chiffre d’affaires ne suffiront pas,
évidemment, le «gâteau» est bien trop maigre...
La technique de la GMS est connue. Tout d’abord attirer des marques.
Puis fabriquer ses propres médicaments en marque de distributeur...
avec la recherche obsédante de maintenir un prix de marché tout
en augmentant les marges grâce à l’étranglement des prestataires et
des fabricants... Enfin, la porte étant ouverte, c’est tout le marché
du médicament de prescription réglementé qui est convoité mais
qui, lui, ne sera pas soumis à la concurrence car son prix est régi
par le Code de la sécurité sociale, dans le cadre de négociations
entre la sécurité sociale et l’industriel. Les prix sur cette catégorie
de médicaments sont donc figés. Aucune économie de pourra être
réalisée, sauf à supprimer la TVA à 2,1% sur ces médicaments, ce
qui allégerait, d’un coup, les comptes de la sécurité sociale (qui est
l’acheteur de soins) de plusieurs milliards d’euros.
Les conséquences...
a libéralisati n du marché d médicament, car c’est bien une
politique libérale s’inscrivant dans une économie de marché,
aurait un certain nombre de conséquences qui peuvent aller de
graves à catastrophiques.
Avant tout, l’objectif recherché de baisse des prix ne sera
jamais atteint puisque la très grande majorité des médicaments
sont des médicaments à prescription médicale obligatoire et
ils constituent, aujourd’hui, environ 75 à 90 % de l’activité
d’une pharmacie d’officine. Or nous venons de voir que, non
seulement ces prix sont réglementés, mais de plus le prix
moyen du médicaments en France, dans cette catégorie, est
l’un des moins cher d’Europe.
Ensuite, une telle politique entraînerait immédiatement la
fermeture de centaines d’officines. Actuellement, déjà, une
pharmacie ferme tous les 3 jours et n’est pas reprise par un
acquéreur. La licence est donc définitivement perdue. Il en
résulterait la destruction du maillage des officines sur tout
le territoire, lequel est envié par nos voisins européens. La
conséquence serait donc la concentration des flux sur les GMS et
donc la restriction de l’accès aux soins par perte de la proximité.
En fait, sous couvert d’économie, il existe un véritable enjeu
politique de santé publique. Il faut craindre que de telles mesures
voient le jour car ce serait la fin d’un système de santé et d’accès
aux soins à la française, dont on dit qu’il est le meilleur du monde...
Enfin, alors que la France semble totalement épargnée,
une dérégulation entraînerait obligatoirement une perte
de contrôle, et donc l’émergence de failles qui seront
inévitablement et totalement exploitées par le trafic criminel
des faux médicaments dont souffrent aujourd’hui les pays
anglo-saxons et, à moindre niveau, nos voisins européens.