Background Image
Previous Page  15 / 24 Next Page
Basic version Information
Show Menu
Previous Page 15 / 24 Next Page
Page Background

EM

n°49 nov. / déc. 2014

(15)

possibilité d’accéder au diplôme afin de limiter la population

pharmaceutique car le nombre de pharmacies, en France obéit

à une autre Loi, la Loi de répartition. Les médecins, comme

d’autres professions dites réglementées, sont également

soumis au numerus clausus.

La

Loi de répartition

régit le nombre de pharmacies en fonction

du nombre d’habitants sur un secteur territorial ou encore selon

l’évolution de la population locale. En effet, sur le territoire

national, le nombre et l’emplacement des pharmacies sont figés.

La création d’une officine est devenue rarissime. Toutefois une

possibilité de transfert existe, à condition qu’elle réponde à une

série de critères bien définis. Le nombre de pharmacie obéit

à une notion de

quorum

. En France, une pharmacie ne peut

s’installer dans une agglomération que si la population atteint

2 500 habitants. Au dessous, cela lui est interdit par le préfet.

Par la suite une nouvelle pharmacie peut s’installer par tranche

de 4 500 habitants supplémentaires. Ainsi, une ville de 7 000

habitants ne peut avoir que 2 pharmacies. Lorsqu’un pharmacien

souhaite s’installer, le diplôme ne lui suffit pas, il devra recevoir,

en plus, un

accord préfectoral

et une

licence

lui est accordée

pour la durée de son exercie dans l’offficine exploitée.

Ce n’est que si toutes ces conditions sont remplies que le

pharmacien peut exercer sa profession en pharmacie d’officine.

Par ailleurs, en France, afin de garantir une exploitation

officinale de qualité, le pharmacien doit être

propriétaire de

son fonds de commerce

. Ainsi, la responsabilité en cas de

faute est immédiate. Enfin, dans ces conditions, le pharmacien

travaillant dans l’intérêt de son propre outil de travail, son

exercice ne peut être que meilleur. Il existe, concernant la

propriété du fonds, et l’exercice de la pharmacie, des variantes

possibles, car cet exercice peut être réalisé en sociétés qui

peuvent revêtir diverses formes juridiques.

Un monopoly ?

Bien sûr que non. Ainsi, il est bien évident que la La législation

et la réglementation n’ont rien à voir avec la notion de

situation monopolistique dans un sens économique et

capitalistique. Le monopole et les autres critères définis par le

Code de la Santé Publique n’a aucun autre but que de préserver

la sécurité sanitaire de la chaine du médicament, de garantir à

tous les citoyens un accès aux soins en préservant le meilleur

maillage territorial, de recevoir un service qui pourrait être

digne d’un service public, bien que relevant du secteur privé,

pour recevoir au sein des 22 000 officines françaises beaucoup

plus de personnes que dans la totalités des magasins de la

grande distribution (GMS).

Les tentations

e gouvernement aurait aimé, en dérégulant cet édifice, redonner

du pouvoir d’achat aux français, en faisant jouer la concurrence sur

les médicaments, dits « grand public » ou de médication familiale,

qui ne relèvent pas de la prescription médicale obligatoire. Le lobby

prédateurdesgrandessurfacesestlàpourfairejouercetteconcurrence,

mais le leurre est aisé car cette concurrence ne s’exercerait que

sur une toute petite part de marché puisque la dépense de santé

en médication familiale est de 35 à 40 euros par français et par

an! L’effet d’annonce d’une baisse de 30% ne représenterait qu’une

maigre économie de 5 à 10 euros par an. Enfin, le gouvernement,

qui souhaite faire baisser les prix, a augmenté la TVA sur ces

médicaments de 5,5% à 10%... Vous aviez dit pouvoir d’achat ?

La technique GMS

En 2014, la consommation des ménages en produits alimentaires

stagne et donc le chiffre d’affaires global de la grande ditribution

est en régression depuis 3 ans (source : rapport DGCCRF, fév.2014).

Elle espère donc pouvoir amorcer une croissance en s’attaquant

à d’autres secteurs, et le marché du médicament en est un. Or

avec une population vieillissante ce sera l’un des marchés en

développement lors des prochaines décennies. Il est clair que

l’objectif premier est d’acquérir le médicament familial. Mais 40

euros par an et par français de chiffre d’affaires ne suffiront pas,

évidemment, le «gâteau» est bien trop maigre...

La technique de la GMS est connue. Tout d’abord attirer des marques.

Puis fabriquer ses propres médicaments en marque de distributeur...

avec la recherche obsédante de maintenir un prix de marché tout

en augmentant les marges grâce à l’étranglement des prestataires et

des fabricants... Enfin, la porte étant ouverte, c’est tout le marché

du médicament de prescription réglementé qui est convoité mais

qui, lui, ne sera pas soumis à la concurrence car son prix est régi

par le Code de la sécurité sociale, dans le cadre de négociations

entre la sécurité sociale et l’industriel. Les prix sur cette catégorie

de médicaments sont donc figés. Aucune économie de pourra être

réalisée, sauf à supprimer la TVA à 2,1% sur ces médicaments, ce

qui allégerait, d’un coup, les comptes de la sécurité sociale (qui est

l’acheteur de soins) de plusieurs milliards d’euros.

Les conséquences...

a libéralisati n du marché d médicament, car c’est bien une

politique libérale s’inscrivant dans une économie de marché,

aurait un certain nombre de conséquences qui peuvent aller de

graves à catastrophiques.

Avant tout, l’objectif recherché de baisse des prix ne sera

jamais atteint puisque la très grande majorité des médicaments

sont des médicaments à prescription médicale obligatoire et

ils constituent, aujourd’hui, environ 75 à 90 % de l’activité

d’une pharmacie d’officine. Or nous venons de voir que, non

seulement ces prix sont réglementés, mais de plus le prix

moyen du médicaments en France, dans cette catégorie, est

l’un des moins cher d’Europe.

Ensuite, une telle politique entraînerait immédiatement la

fermeture de centaines d’officines. Actuellement, déjà, une

pharmacie ferme tous les 3 jours et n’est pas reprise par un

acquéreur. La licence est donc définitivement perdue. Il en

résulterait la destruction du maillage des officines sur tout

le territoire, lequel est envié par nos voisins européens. La

conséquence serait donc la concentration des flux sur les GMS et

donc la restriction de l’accès aux soins par perte de la proximité.

En fait, sous couvert d’économie, il existe un véritable enjeu

politique de santé publique. Il faut craindre que de telles mesures

voient le jour car ce serait la fin d’un système de santé et d’accès

aux soins à la française, dont on dit qu’il est le meilleur du monde...

Enfin, alors que la France semble totalement épargnée,

une dérégulation entraînerait obligatoirement une perte

de contrôle, et donc l’émergence de failles qui seront

inévitablement et totalement exploitées par le trafic criminel

des faux médicaments dont souffrent aujourd’hui les pays

anglo-saxons et, à moindre niveau, nos voisins européens.