Previous Page  15 / 24 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 15 / 24 Next Page
Page Background

EM

n°51 juin / juillet 2015

(15)

e Professeur Patrick Couvreur est l’un des spécialistes mondiaux

des nanomédicaments. Il enseigne, entre autre, à l’université de

Paris-Sud, à l’Institut Galien de Châtenay-Malabry. Sa définition

du nanomédicament va nous permettre de plonger dans l’univers

de l’infiniment petit puisque un nanomètre (nm) correspond à

un milliardième de mètre. On se situe entre 10 et 100 nm et donc

proche de la taille des atomes. Un atome d’hydrogène, modèle

le plus simple qui est composé d’un proton et d’un électron,

mesure 0,1 nanomètre de diamètre.

Notions de

pharmacocinétique

Lorsqu’un médicament est administré dans l’organisme il suit

une série d’étapes qui sont presque identiques quel que soit le

médicament.

•• L’absorption

. Le médicament, dans le cas d’une administration

par voie orale, ce qui est la grande majorité des cas, est absorbé

par les cellules de l’intestin et passe dans le sang. La vitesse

et l’intensité de cette absorption définit la biodisponibilité du

médicament. Elle est fonction de critères très variés comme la

vacuité de l’estomac, l’état du système intestinal, la présence

d’autres composés chimiques (alcool) ou médicaments, ou

peuvent en être totalement indépendant car cette fonction va

dépendre aussi des caractéristiques physico-chimiques de la

molécule de médicament, de son hydro ou liposolubilité etc...

•• La distribution

. Une fois dans le sang, et toujours selon ses

critères physico-chimiques, le médicament va se fixer de façon

plus ou moins importante aux protéines plasmatiques. Celles-ci

vont le transporter dans tout le compartiment sanguin.

•• La métabolisation

. Alors que le médicament est absorbé il

va faire l’objet d’un premier passage hépatique car les vaisseaux

qui partent de l’intestin (système de la veine porte) passent

d’abord par le foie. Celui-ci est une véritable usine chimique

biologique. Sa fonction est de greffer immédiatement des

radicaux chimiques ou encore de casser la molécule, autrement

dit de la transformer (la métaboliser) pour la rendre inactive et

permettre son élimination.

•• L’élimination

. Une fois rendue inactive et inoffensive la

molécule de médicament est éliminée soit par le rein, soit dans

les selles, là aussi selon ses critères physico-chimiques et son

hydro ou liposolubilité.

« Invention » des

nanomédicaments

Nous pouvons maintenant comprendre que, dans la plupart des

cas, un médicament « classique » est bien utile. Cependant,

lorsque l’écart thérapeutique est très faible, c’est à dire,

lorsque l’effet thérapeutique recherché est très proche des

effets secondaires ou toxiques, il devient indispensable, pour

les pharmacologues et les galénistes, de trouver de nouvelles

pistes et astuces pour améliorer ce rapport, en fonction des

caractéristiques intrinsèques de la molécule de médicament et

en fonction de la pathologie à traiter. C’est notamment le cas de

la classe pharmacologique des anticancéreux qui permettent

de traiter des pathologies très lourdes mais, quelquefois,

les tissus cancéreux à traiter sont difficilement accessibles,

et les molécules à manipuler sont particulièrement toxiques.

Plusieurs possibilités existent, entre autres exemples.

Puisqu’une cellule ne peut pas tout faire en même temps,

il est possible de repérer les phases de repos et les phases

d’activité, et de s’en servir pour agir au meilleur moment. C’est

le cas développé par une voie de recherche : la chronobiologie.

Pour traiter certaines pathologies, il est important de prendre

le médicament le soir uniquement. Pour d’autres, comme les

corticoïdes à forte dose par voie orale, il faut les prendre le

matin. Dans le cas de certains cancers, cela permet de tuer

les cellules cancéreuses au meilleur moment, puisque le cycle

cellulaire de celles-ci est différent du cycle des cellules saines.

Une autre possibilité est d’améliorer la galénique c’est à dire

le véhicule qui va transporter le médicament dans l’organisme,

avec plus ou moins de spécificité. Mais la dernière « trouvaille »

est d’utiliser des nanovecteurs dont la taille est tellement

petite qu’ils peuvent franchir presque toutes les barrières pour

atteindre les cellules.

C’est cette invention qui a été faite et a été développée en

1977 par le Professeur Patrick Couvreur.

Évolution des

nanomédicaments

Lors de la phase d’encapsulation des principes actifs pour la

préparation des nanomédicaments de première génération, les

vecteurs utilisés se lient à certaines protéines plasmatiques

(opsonines) pour favoriser une reconnaissance par le foie. Ce

qui est intéressant si l’on doit traiter cet organe. Mais cela est

plus gênant si l’on doit traiter d’autres tissus ou atteindre le

cerveau, par exemple.

Afin de permettre d’éviter au foie de piéger les nanomédicaments

il a été mis au point des vecteurs de 2

ème

génération, en greffant

à la surface des vecteurs des composés hydrophiles. Ainsi,

les vecteurs demeurent plus longtemps dans la circulation et

peuvent atteindre d’autres organes.

Les vecteurs de 3

ème

génération se comportent comme des

missiles à tête chercheuse, car ont été greffés à leur surface

des ligands caractéristiques de la cellule cancéreuse. Ainsi

le nanovecteur va se fixer uniquement sur sa cible par un

phénomène de reconnaissance réciproque.

Les méthodes de préparation des nanomédicaments peuvent

revêtir de nombreux procédés, mais le principe essentiel

est l’encapsulation. C’est la qualité de cette encapsulation

qui va permettre d’emmagasiner et donc de transporter une

quantité plus ou moins importante de principe actif (taux de

charge). Deuxièmement, il est important aussi d’éviter que

le principe actif se retrouve à la surface, provoquant ainsi

une libération non contrôlée. Enfin, le matériel biologique

utilisé pour créer cette capsule est de nature variable.

Les différents matériaux utilisés pourraient engendrer une

efficacité du transport, mais provoquer le dépôt de résidus,

ce qui n’est pas souhaitable. Il a donc fallu trouver des

capsules biodégradables ne laissant aucun résidu. Afin de

réduire la plupart des inconvénients, une nouvelle approche

est faite en utilisant un composé dérivé de l’huile de foie