EM
n°51 juin / juillet 2015
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actualités
de requin : le squalène. Précurseur du cholestérol, il se
fixe sous forme d’un nanocomplexe au principe actif,
formant ainsi un système stable et performant.
Et aujourd’hui ?
Le Professeur Couvreur, titulaire d’une cinquantaine de
brevets, a créé avec d’autres scientifiques une structure
de recherche Bioalliance (1999) qui a mis au point
un nanomédicament. Répondant à ce critère, celui-ci
est composé de deux parties : le principe actif, la
doxorubicine, anticancéreux, et un nanopolymère issu
d’une colle biodégradable utilisée en chirurgie. L’intérêt
est de permettre de traiter, en dernier recours, des
tissus mous cancéreux comme le foie (hépatocarcinome)
qui ne peuvent plus être traités ou sont résistants aux
traitements de première intention, sauf à augmenter les
doses au risque de voir apparaître une toxicité cardiaque
très importante. L’intérêt du nanomédicament dans le cas
de l’ hépatocarcinome est de permettre une concentration
beaucoup plus importante au niveau du foie avec un
meilleur ciblage sur les cellules cancéreuses. En effet les
tissus cancéreux génèrent un processus inflammatoire.
Cet état entraine une vascularisation plus importante et
une plus grande perméabilité vasculaire. C’est cette faille
biologique de la cellule cancéreuse qui est exploitée par
le nanomédicament. On augmente alors la concentration
dans le foie, on diminue la toxicité cardiaque, on peut
donc augmenter les doses et avoir une puissance d’action
plus beaucoup plus importante.
L’efficience peut encore être améliorée en fixant sur
le nanosupport un marqueur caractéristique de la
cellule cancéreuse, si bien que l’anticancéreux va être
conduit jusqu’aux portes de la cellule cancéreuse. Ce
modèle, qui correspond à un nanomédicament de
première génération, a permis la mise au point d’un
nanomédicament à usage humain qui entre actuellement
dans le protocole d’un essai clinique hospitalier.
De nouvelles
perspectives
Une autre application très intéressante peut être faite
dans le cas des accidents vasculaires cérébraux (AVC) lors
desquels les dégâts sont tels que la micro-circulation des
tissus nerveux est très altérée du fait des débris liés à
l’ AVC. Il a donc été imaginé une technique consistant à
utiliser une molécule présente dans le cerveau et qui est
très protectrice : l’adénosine, et de la coupler au squalène
dérivé de l’huile de foie de requin, biocompatible, afin de
préserver la micro-circulation. L’adénosine ne pouvant
être utilisée seule car très rapidement éliminée, elle
est donc associée au squalène qui lui permet d’avoir
une durée d’action beaucoup plus importante au niveau
cérébral. Les nanoparticules sont injectées lors de la
reperfusion des zones lésées. Les résultats obtenus sont
très encourageants. Cette méthode trouve également des
applications dans les traumatismes de la moelle lors des
accidents de la circulation.
D’autres domaines d’investigation peuvent être attendus,
notamment en génétique. Puisqu’il devient possible
d’atteindre la cellule, il est alors envisageable d’y faire
pénétrer des brins de matériel génétique, des acides
nucléiques destinés à la réparation cellulaire ou à la
régulation de gènes.
Les nanomédicaments peuvent également trouver des
applications dans le domaine chirurgical en permettant de
mieux cibler le tissu à réséquer.
Le domaine de la radiothérapie est également concerné.
Le principe est le même que pour les autres protocoles. On
administre des nanoparticules qui supportent un ligand.
Celles-ci vont aller se concentrer dans les tissus cancéreux
grâce à ces marqueurs. Une fois en place, le radiologue
va pouvoir focaliser son faisceau, d’une part, et d’autre
part exploiter le pouvoir les nanoparticules qui vont jouer
un rôle d’amplificateur. Les doses de rayon administrées
pourront être moindres avec une efficience accrue.
Enfin, les nanomédicaments ont des applications dans
l’aide au diagnostic et même dans la prévention. Mais
les attentes se tournent davantage vers l’espérance
d’une médecine personnalisée. En effet, un médicament
« classique » est mis sur le marché après avoir traversé
4 phases de protocoles d’études, montré une meilleure
efficacité par rapport aux autres médicaments de sa classe
thérapeutique, démontré son innocuité relative (car tous
les médicaments sont des toxiques en puissance surtout
lorsqu’ils sont mal utilisés) et subi toutes les études
pharmacocinétiques pour définir une posologie plus ou
moins adaptée, mais relativement standard et identique
pour tout le monde. Dans le cas qui nous préoccupe, il peut
être tenu compte de la carte génétique du malade et avoir
une approche prédictive et/ou une approche préventive
de la maladie, car comme nous l’avons vu plus haut, la
taille des nanomédicaments leur confère des propriétés
physico-chimiques et spatiales surprenantes permettant
d’atteindre les noyaux cellulaires où se produit la synthèse
protéique. Pourra-t-on, ainsi, « corriger » une pathologie,
avant qu’elle ne se manifeste ?
GRANDEURS ET MESURES
»
»
millimètre
1 mm = millième de mètre = 10
-3
m
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micromètre
1
m
m = millionième de mètre = 10
-6
m
(taille d’une bactérie ou cellule humaine)
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»
nanomètre
1 nm = un milliardième de mètre = 10
-9
m
(taille d’un atome d’hydrogène : 0,1nm)
»
»
picomètre
1 pm = 10
-12
m
(taille du noyau de l’atome d’hydrogène)