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EM

n°54 mai / juin 2016

(8)

actualités

contact. Mais contrairement à la vaccination, la bactérie

est capable, à la fois, de transmettre la propriété à d’autres

bactéries, mais aussi aux générations suivantes, ce qui

constitue un moyen de défense biologique bien supérieur

à celui d’une vaccination, finalement plus simpliste et

moins efficace sur une population.

Un peu d’histoire

Da s l’antiquité, plus de deux siècles avant JC, chinois

et grecs utilisaient les peaux de fruits recouverts de

moisissures pour traiter certaines infections cutanées.

En occident, en 1640, un apothicaire anglais fit allusion

aux propriétés des moisissures dans un ouvrage.

1871, Joseph Lister, un chirurgien anglais et père de

l’asepsie, note la possibilité de traiter des tissus humains

avec une moisissure.

1875, l’anglais John Tyndall démontre l’action

antibactérienne du Penicillium.

1877, Louis Pasteur et Jules François Joubert, observent

qu’une culture de bacille du charbon est inhibée par la

présence d’un Penicillium.

C’est le 17 décembre 1897 qu’Ernest Augustin Duchesne,

aspirant officier dans le service de santé à Lyon, présente sa

thèse «

Contribution à l’étude de la concurrence vitale chez

les micro-organismes : antagonisme entre les moisissures

et les microbes

». Il reçoit la note maximale (20/20),

les félicitations du Jury, la mention « très bien» et une

citation à l’ordre du service de santé de l’armée française.

Ses travaux sont une première qui démontre l’activité

antibactérienne du Penicillium glaucum sur la bactérie

Escherichia coli. Ses travaux permettent également de

traiter avec succès la typhoïde du porc due à une autre

bactérie : la Salmonella. Pourtant, ces travaux prometteurs

sombreront dans l’oubli pendant une trentaine d’années.

Le 3 septembre 1928, en revenant de vacances,

Alexander Fleming, professeur de biologie à l’Hôpital Sainte

Marie de Londres, s’aperçut que ses cultures bactériennes

(staphylocoques) avaient été souillées par une moisissure,

et il observa que les colonies bactériennes ne poussaient

pas à proximité de la moisissure. Mais au lieu de jeter ces

salissures venues perturber ses travaux, le premier trait

de génie de Fleming fut d’étudier ce phénomène et de

comprendre que le penicillium, qu’il avait réussi à isoler, à

cultiver et à étudier, fabriquait une substance bactéricide

qu’il décida d’appeler la pénicilline. Malgré la publication

de ses travaux, en 1929, dans le «British Journal of

Experimental Pathology » sa découverte passa inaperçue.

Il poursuivit ses travaux et son deuxième trait de génie

fut de démontrer l’intérêt thérapeutique de la pénicilline.

Cependant, à cette époque la production des sulfamides

était en pleine croissance dans l’industrie pharmaceutique.

Ce n’est qu’en 1940, que s’ouvrent les possibilités d’une

fabrication industrielle d’une molécule de pénicilline

stable grâce à des chimistes (Florey et Chain) et à Norman

Heathley qui réussit à finaliser la méthode de fabrication.

En 1945, Florey, Chain et Fleming reçurent le prix Nobel de

médecine pour leur travaux sur la pénicilline et ses effets

curatifs sur plusieurs maladies infectieuses, permettant

ainsi de sauver des centaines millions de vies.

Par la suite, et encore aujourd’hui, les grands

groupes pharmaceutiques poursuivent recherches

et développements. D’autres antibiotiques ont été

découverts. Plusieurs générations d’antibiotiques ont vu

le jour, de plus en plus performants et sélectifs, ce qui

ralentit le phénomène de résistance, mais ne l’exclut pas.

Les nouvelles

biotechnologies

Elles seront la source de la biologie de synthèse qui sera

appelée à prendre une part de plus en plus importante

dans l’univers médical, laissant, peut-être, derrière elle les

thérapeutiques chimiques devenues classiques.

Le principe consiste à reprogrammer des bactéries ou

des virus pour obtenir une solution à un traitement.

Actuellement sous forme expérimentale, certaines

bactéries Escherichia coli, celles là mêmes qui sont

pathogènes, peuvent être reprogrammées génétiquement

pour fabriquer l’insuline qui manque à un diabétique.

Ce matériel biologique peut aussi servir à détecter du

glucose dans les urines, ou tout autre composé biologique,

se comportant comme des analyseurs biologiques.

Ainsi, pour lutter contre les phénomènes de résistance aux

antibiotiques, les chercheurs font appel à un virus très peu

étudié jusqu’à présent qui possède pourtant des pouvoirs

très intéressants, puisqu’il est capable de s’attaquer

spécifiquement à une bactérie. Ce virus sélectif porte le

nom de bactériophage (voir photo page 6).

Sir Alexander Fleming, avait tenté de travailler sur le

phage qui est présent à l’état naturel dans le sol, l’eau,

l’air... mais aussi dans les excréments, les eaux d’égouts.

Longtemps étudiés par les scientifiques comme

modèles biologiques ayant permis de faire des avancées

importantes en biologie moléculaire, ils n’avaient que très

peu d’applications thérapeutiques.

Le développement de l’antibiorésistance va donc orienter

les recherches vers une solution biologique, et si le

bactériophage est modifié génétiquement, vers une solution

biotechnologique. Le phage va se comporter vis-à-vis de

la bactérie, comme un virus se comporte dans le corps

humain: il va utiliser le matériel génétique de la bactérie

pour se développer et la détruire de diverses façons.

Il possible que les bactéries puissent former des résistances

au phage. Cependant, contrairement aux antibiotiques qui

sont des molécules chimiques, de par ses propriétés virales

biologiques, le phage possède la capacité de co-évoluer

avec la bactérie par adaptation au milieu (mutation).

Enfin, un type de phage va détruire spécifiquement une

bactérie donnée. Ce ciblage spécifique produit une grande

efficacité et réduit considérablement une résistance

éventuelle, puisque la destruction peut être rapide et

massive du fait même de cette spécificité.

Une récente étude de l’institut Pasteur (juin 2015) a

démontré une efficacité redoutable d’un phage sur une

bactérie hautement virulente : Escherichia coli pneumonia.

Ainsi, la nature étant source d’inspiration, les prochaines

voies thérapeutiques devraient faire naître de nouveaux

espoirs dans le traitement des infections (voir rubrique

« info santé » page 20).