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EM

n°58 mai / juin 2017

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omment reprendre une activité sportive lorsqu’on est

terrassé par un cancer ? Le plus dur est de convaincre un

malade de faire le premier pas, disent les soignants, car

une fois qu’il a fait cette démarche, il en éprouve un vrai

mieux-être et l’expérience montre que le taux d’adhésion

est alors très élevé.

En service de cancérologie, le rôle de l’éducateur médico-

sportif est de trouver l’argument qui va faire mouche,

et c’est toujours plus facile à l’hôpital qu’en ville car

la rencontre avec le malade est programmée au même

titre qu’une visite chez le psychologue. Cela se fait

naturellement s’il propose déjà un programme adapté au

sein de l’établissement hospitalier. Des malades, pourtant

prêts à tout abandonner, ont décidé de suivre, en plus de

tous leurs traitements, le programme d’activité proposé.

Non seulement, ils ont déjoué toutes les statistiques quant

à leur durée de survie, mais certains ont même réalisé

de véritables prouesses sportives et sont toujours de ce

monde. Comme ce jeune homme atteint d’un cancer du

poumon, de métastases osseuses, hépatiques et cérébrales

qui, quatre ans après, est toujours vivant et a passé sa

ceinture noire de karaté ! De quoi redonner de l’espoir aux

autres malades, rallumer la flamme.

Les sports proposés dans ces programmes sont variés :

karaté (première discipline pratiquée par les malades),

course, gym, marche nordique, natation, danse

contemporaine, vélo, etc. bien sûr à un rythme progressif

et adapté à la fatigue du malade.

40% à 50%

de rechutes en moins

Les littératures scientifiques internationales le disent et

le répètent : il y a un véritable impact social, clinique et

économique à les mettre en place. Une activité physique

adaptée et régulière permet de limiter les rechutes de 40%

à 50% selon les cancers, d’améliorer la survie de 40%,

et de réduire les effets secondaires liés aux traitements

anticancéreux, notamment la fatigue. L’amélioration de

la masse et de la force musculaires permet de limiter les

douleurs osseuses et musculaires induites par certaines

chimiothérapies. L’efficacité des traitements s’en trouve

améliorée, ainsi que l’observance.

Une étude menée par la CAMI (cf. encadré) et le laboratoire

Amgen, portant sur 1544 patients (une majorité de femmes

dont les deux tiers souffraient d’un cancer du sein),

montre tous les bienfaits du sport dans cette pathologie.

Parmi les bénéfices attendus, les patients interrogés citent

en premier l’amélioration de la qualité de vie et du bien-

être (99 %), des chances supplémentaires de guérir (83 %)

et la réduction de la fatigue et des douleurs.

Autre effet, l’activité physique pendant et après les traitements

du cancer contribue à améliorer l’état psychologique des

patients, en les réconciliant avec ce corps que la maladie a

transformé en ennemi et en renforçant les liens sociaux. En

retrouvant du plaisir en bougeant, l’estime de soi et le sommeil

augmentent, les syndromes anxio-dépressifs diminuent.

Le sport,

sur ordonnance

La loi du 26 janvier 2016 (de modernisation du système

de santé) permet la prescription d’activités physiques et

sportives aux personnes en affections de longue durée,

comme les cancers, depuis le 1

er

mars 2017. Au même

titre qu’un médicament. Un décret du 31 décembre 2016

précise les professionnels de santé chargés de dispenser

ces activités physiques : masseurs-kinésithérapeutes,

ergothérapeutes et psychomotriciens. Exit les associations

qui les proposent depuis des années.

Autre bémol, le décret évite de donner les moyens

financiers pour inclure ces activités physiques et sportives

dans les parcours de soins, laissant aux villes, régions,

agences de santé, réseaux de soins, structures de santé

et associations, la lourde responsabilité des financements,

avec les disparités territoriales que l’on connaît.

Le travail,

une échappatoire

En France, 1 000 personnes apprennent chaque jour

qu’elles ont un cancer et 400 travaillent.

Cette forte proportion d’actifs n’est pas surprenante.

Avec l’évolution des outils de diagnostics, les cancers

sont détectés de plus en plus tôt, ce qui signifie que de

plus en plus de personnes sont confrontées à un cancer

au cours de leur vie professionnelle. De plus, nombreux

sont les malades qui souhaitent conserver leur activité

professionnelle pendant les traitements. C’est le cas pour

presque 50% des femmes actives atteintes de cancer

du sein (étude Calista 2013). Or, dans l’entreprise, le

cancer reste encore trop tabou. Le risque de perdre son

emploi est ressenti par la plupart des malades comme

un facteur aggravant de leur état de santé alors que la

possibilité de poursuivre une activité professionnelle a

souvent un impact positif sur leur qualité de vie.

Rester en poste va aider les malades à se structurer, à

penser à autre chose et à ne pas être totalement dans le

statut de patient qui n’est pas forcément facile à investir.

Concernant les patients pour lesquels l’option de

continuer à travailler est physiquement inenvisageable,

pendant toute cette période et même pendant les

traitements, ils ont intérêt à garder un lien avec leur

entreprise. Il y a un double enjeu social et psychique.

Pour ceux qui se sont arrêtés, la reprise du travail

après la douloureuse parenthèse de la maladie aide à

se reconstruire, à se retrouver une place et être acteur

dans la société. Elle peut aussi traduire la volonté de

combler le vide laissé par l’arrêt brutal des traitements

et rendez-vous médicaux, afin d’échapper à des journées

d’inactivité parfois dénuées de sens.