A
u moment
où l’automne pointe
son nez et avec lui
la vaccination antigrippale, la
défiance vis-à-vis des vaccins
refait surface. Elle ne semble pas
a v o i r faibli d’intensité depuis 2015. Cette
année-là, une vaste enquête (portant sur plus de
66 000 personnes dans 67 pays) révélait un
euroscepticisme affirmé à l’égard des vaccins
par rapport à d’autres régions du monde
1
.
Et dans ce palmarès, la France, pays de Louis
Pasteur, détenait la palme du scepticisme avec
41% des personnes interrogées qui doutent de
la sécurité des vaccins.
En 2017, la confiance est encore plus ébranlée. Elle
perd encore deux points selon une enquête de l’institut
Ipsos
2
révélant que 33% des personnes interrogées
considèrent que les vaccins ont autant de risques que de
bénéfices et pour 15%, plus de risques que d’avantages. Selon
cette enquête toujours, les 25-34 ans sont les plus méfiants et
les 55-59 ans les plus confiants vis-à-vis des vaccins.
Défiance : des causes multiples
Que s’est-il passé pour en arriver là et comment aujourd’hui
inverser la tendance ? Selon un rapport de janvier 2016 sur la
politique vaccinale
3
, les raisons de cette vague de défiance
sont multiples : les grandes épidémies notamment paraissent
lointaines, le danger recule, mais dans le même temps on
constate la persistance des flambées épidémiques de maladies
à prévention vaccinale telles que la grippe. Logiquement, la
population s’interroge. Les raisons relèvent également d’une
insuffisante lisibilité de la politique vaccinale en France, d’une
compréhension affaiblie de l’intérêt individuel ou collectif de
la vaccination et d’inquiétudes alimentées par les ruptures
régulières d’approvisionnement en vaccins. Deux faits ont
également aggravé la situation française : d’abord la vaste
(1) Heidi J Larson, Alexandre de Figueiredo, Zhao Xiahong, William S Schulz,
Pierre Verger, Iain G. Johnston, Alex R Cook, Nick S Jones. The State of Vaccine
Confidence 2016: Global insights through a 67-country survey. EbioMedicine. DOI:
10.1016/j.ebiom.2016.08.042
(2) Étude Ipsos pour le Leem, réalisée par Internet entre le 09 et le 16 juin
2016, auprès de 1 000 personnes, âgées de 18 ans et plus.
(3) Rapport sur la politique vaccinale Janvier 2016. Sandrine Hurel
Un objectif de santé publique !
campagne de vaccination contre l’hépatite B en 1994, qui
n’a pas été comprise, puis en 2009 la campagne contre la
grippe H1N1, menée en dépit du bon sens. On peut également
s’inquiéter du rôle que peut jouer Internet dans la propagation
rapide des opinions négatives sur les vaccins.
Une batterie de mesures pour
restaurer la confiance
Si les Français peinent à s’y retrouver, c’est bien parce qu’ils n’ont
pas trouvé des réponses à leurs interrogations. La confiance
et l’adhésion à une politique vaccinale ne pourront revenir
qu’au prix d’une plus grande transparence de l’information et
clarté des messages. En l’occurrence, la transparence pourrait
progresser sur des points précis, tels que les évènements
secondaires et effets indésirables des vaccins. Dans cette même
perspective, le site vaccination-info-service pourrait constituer
la base d’un site plus complet accessible d’une part au grand
public, d’autre part aux professionnels de santé.
Devant la persistance voire l’augmentation de la méfiance
envers la vaccination en France, Marisol Touraine, ministre
de la santé de l’époque, a lancé début 2016 une grande
concertation citoyenne
4
sur la vaccination débouchant sur une
série de propositions complétant ou recoupant celles du rapport
précité. Pour l’essentiel : un accès facilité au statut vaccinal
de chaque patient via le carnet de vaccination électronique,
une plus grande implication des professionnels de santé et une
simplification du parcours vaccinal (vaccination en officine,
stock de vaccins chez le médecin…), la mise en place d’un
expertise indépendante au sein de la Direction générale de
la santé chargée de la coordination, notamment pour mieux
identifier les effets indésirables éventuels des vaccins, création
de plans de gestion des pénuries pour les fabricants assortis de
sanctions en cas de non-respect de leurs obligations… Et parmi
les mesures les plus remarquées : un élargissement temporaire
de l’obligation vaccinale avec clause d’exemption. En clair,
tous les vaccins pédiatriques aujourd’hui « recommandés »
pour les enfants de moins de 2 ans deviendraient gratuits et
« obligatoires », mais de façon temporaire, le temps de restaurer
la confiance face aux doutes des Français.
(4) Concertation citoyenne sur la vaccination : rapport de conclusions du comité
d’orientation présidé par le Pr Alain Fischer.
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s a n t é
N°59 - Août / Sept. 2017