Elle a ensuite fait l’objet d’une classification dans les pathologies
psychiatrique. Bien que l’efficacité du fameux électrochoc dans
les années 30 ait eu son heure de succès... il a du laisser sa
place à la découverte des premiers antidépresseurs dénommés
« tricycliques » (1957 : Laroxyl® et Tofranil®) puis aux « inhibiteurs
de la mono-amine oxydases » (IMAO en 1962), aux antidépresseurs
« sérotoninergiques » (Prozac® en 1987) et, enfin, aux
antidépresseurs à la fois « sérotoninergiques et noradrénergiques »
(Effexor® et Ixel®). En 30 ans, la prescription d’antidépresseur a
triplé. Elle semble s’être stabilisée depuis, bien que cette classe
soit encore la seconde classe thérapeutique la plus prescrite.
La question que l’on pourrait se poser est de savoir si cette
pathologie ne résulte pas indirectement d’une évolution sociétale,
avec des objectifs individuels et une réalisation du soi qui génère
des conflits personnels du fait de l’absence de réussite au point
de modifier les mécanismes psychiques, lesquels provoquent des
modifications neuronales profondes.
La biologie et l’imagerie médicale
Sur le plan biologique, la protéine C réactive(fabriquée par le
foie) est surtout un traceur essentiel de l’inflammation. Elle
peut également corréler les données concernant un excès de
cholestérol. Cependant, il a pu être établi une corrélation entre
un taux élevé de protéine C réactive et la dépression.
Côté imagerie, ont essentiellement été utilisées la résonance
magnétique nucléaire fonctionnelle (RMNf) et la tomographie
par émission de positrons (PET scan). La RMN permet de
mesurer l’absorption d’un noyau atomique placé dans un champ
magnétique puissant. Le PET scan, permet de mesurer une
activité métabolique ou moléculaire par l’émission de positrons
(anti-électrons) après injection d’un produit radioactif. Des
personnes déprimées ont été soumises à des tests cognitifs
(versus des personnes non déprimées) et les résultats montrent
que les personnes déprimées avaient une surcharge d’activité
cérébrale. Cela signifie que, pour un même niveau, la personne
déprimée va mobiliser plus de ressources cérébrales qu’un
individu témoin. Ceci pourrait expliquer la baisse de rendement
cognitif liée au besoin d’une surcompensation pour arriver à
exécuter une tâche. Par extension, le comportement d’inhibition
physique et psychique du déprimé pourrait s’expliquer par le fait
qu’il aurait besoin de fournir beaucoup plus d’efforts en toutes
circonstances, pour des résultats moindres, ce qui aggrave
davantage son état psychologique.
L’ensemble des études réalisées
1
montrent que :
•
•
la dépression engage de nombreuses zones cérébrales,
•
•
des marqueurs sont présents au niveau cérébral pendant la
dépression et qu’ils peuvent la précéder, constituant ainsi une
potentialité prédictive,
•
•
la dépression comporte une composante cognitive et
émotionnelle forte avec une incidence sur les structures
nerveuses gérant les processus cognitifs et le système limbique
(ensemble de structures nerveuses centrales gérant l’olfaction, la
mémoire et les émotions).
L’intérêt de la pharmacogénétique
La pharmacogénétique est l’étude des gènes entrant dans
la variabilité de la réponse aux médicaments. Elle permet
de déterminer la prédictivité du traitement en fonction de
l’analyse du génome d’un patient. Il est ainsi possible, à partir
d’une batterie de tests, de savoir si tel patient répondra bien
à son traitement, s’il sera susceptible de générer des effets
secondaires ou encore s’il faut adapter la posologie en plus ou
en moins, selon les paramètres pharmacocinétiques (absorption,
distribution, métabolisation et élimination) résultant de
l’analyse pharmacogénétique. Les tests peuvent être effectués
à partir d’un prélèvement sanguin ou salivaire, à n’importe quel
moment de la journée. Ils sont rapides et faciles à pratiquer.
Ainsi, selon les gènes impliqués il est possible de choisir la classe
thérapeutique qui sera la plus adaptée. Cette approche permet
donc de définir une personnalisation du traitement et d’améliorer
ainsi le rapport bénéfice / risque. Certains gènes sont impliqués
dans la pharmacocinétique des antidépresseurs, d’autres dans la
pharmacodynamie (mode d’action).
Pour ne prendre qu’un exemple, la fluoxétine (Prozac®) est un
inhibiteur du Cytochrome P450 (CYP3A4)
1
(très important) qui
intervient dans l’élimination hépatique de nombreux produits
en général et de la fluoxétine en particulier. Toute altération
génétique en relation avec le cytochrome P450 va entrainer, avec
une grande certitude, une modification la réponse de l’organisme
à la fluoxétine.
Certains auteurs considèrent que la pharmacogénétique
intervient pour près de 42% dans la réponse des patients aux
traitements antidépresseurs.
L’apport de la réceptologie
La recherche en réceptologie a démarré il y a une quarantaine
d’années. Elle a atteint aujourd’hui un degré qui permet de
développer des médicaments dont le mécanisme d’action est
de plus en plus affiné. Ainsi, pour les antidépresseurs, les
récepteurs impliqués sont maintenant parfaitement connus.
Les récepteurs noradrénergiques et sérotoninergiques focalisent
tous les intérêts. Ces derniers, en particulier, se déclinent
en 7 variétés. Par ailleurs, chaque variété est associée à un
mécanisme différenciant, si bien qu’il existe, au total, une
trentaine de récepteurs sérotoninergiques connus. Or il ne suffit
pas de favoriser la transmission de la sérotonine sur ses propres
récepteurs, car l’action de la sérotonine manque elle-même de
spécificité et, agissant en excès, elle sollicite des sous-récepteurs
sérotoninergiques entraînant l’apparition d’effets secondaires.
La bonne connaissance du système des récepteurs
sérotoninergiques a permis d’affiner la mise au point
d’antidépresseurs qui, non seulement empêchent la recapture
de la sérotonine dans la fente synaptique permettant une plus
longue durée d’action de la sérotonine, mais ils sont capables
également de neutraliser les récepteurs entraînant les effets
non désirés. Ces antidépresseurs « dernier cri » ont ainsi une
spécificité d’action de plus en plus affinée et offrent ainsi un
rapport bénéfice / risque encore plus grand.
Ces nouveaux antidépresseurs (vortioxétine) agissent également
sur d’autres systèmes selon un principe dit «multimodal »,
permettant ainsi une optimisation du traitement dans toutes ses
composantes.
1 La Lettre du Pharmacologue • Vol. 31 - n° 1 - janvier-février-mars 2017
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s a n t é
N°59 - Août / Sept. 2017