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n°53 fév. / mars 2016
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Les interactions entre éthanol et médicaments sont complexes car elles
mettent en jeu des mécanismes très divers. Cependant, elles sont assez
bien connues et peuvent donc être prévenues. Le grand public doit être
averti de ces interactions, afin que leurs effets, mieux connus, incitent
à la plus grande prudence lors de la prescription de médicaments chez
des consommateurs habituels ou occasionnels d’alcool
Par le Docteur Rémy Clément
es interactions entre l’alcool et les médicaments prennent
à juste titre une place de plus en plus importante en
tant que problème de santé publique. La fréquence de la
consommation associée de ces deux types de substances
en est à l’évidence la cause, compte-tenu du nombre
important de personnes consommant de l’alcool de façon
chronique ou aiguë et de personnes consommant des
médicaments.
La France occupe le troisième rang mondial pour la
consommation de boissons alcoolisées (13,7 litres
d’alcool pur, par habitant de plus de 15 ans et par an) et
l’alcoolisme est la quatrième cause de mortalité (23 000
décès directs et 22 000 décès indirects par an dans notre
pays). En même temps, la consommation de médicaments
est très importante dans notre pays. Or, il est établi que
ces deux types de produits peuvent interagir de façon
pharmacodynamique et pharmacocinétique et entraîner
des modifications dans l’activité ou la toxicité des
médicaments, avec des effets opposés de l’éthanol selon
que sa consommation soit occasionnelle ou chronique.
Par ailleurs, des médicaments peuvent eux aussi agir sur
la pharmacocinétique ou la toxicité de l’alcool et être à
l’origine de certains effets secondaires.
Des interactions
multiples et variées
La majeure partie de l’alcool (90%) gagne le foie pour
y subir une oxydation, lieu où il intervient dans les
interactions médicamenteuses. Au niveau hépatique,
l’éthanol peut être oxydé par 4 voies différentes.
Elles dépendent de la quantité d’alcool ingérée et des
conditions physiopathologiques de l’individu.
Dans la mesure où l’alcool et les médicaments peuvent
partager la même voie métabolique, qui est de surcroît
inductible, les interactions sont prévisibles.
L’alcool interagit à deux niveaux avec les médicaments :
•
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Premier niveau : les médicaments ralentissent le
métabolisme de l’alcool, et augmentent ainsi sa toxicité
par accumulation d’acétaldéhyde (produit de dégradation
de l’alcool) : c’est ce qu’on appelle l’effet antabuse.
L’ acétaldéhyde est un produit toxique qui, lorsqu’il
s’accumule dans l’organisme, peut entraîner l’apparition de
différents signes cliniques : bouffées de chaleur, sensation
de malaise général, tachycardie, nausées, vomissements,
céphalées, vertiges, etc. Certains médicaments indiqués
dans le sevrage alcoolique utilisent cet effet antabuse
volontairement. D’autres médicaments (antibiotiques
notamment…) présentent un effet antabuse dissocié de
leurs effets thérapeutiques initiaux, provoquant lors de
la consommation conjointe d’alcool, cet effet indésirable
assez violent.
•
•
Deuxième niveau : l’alcool agit sur le métabolisme
des médicaments en augmentant ou en ralentissant leur
destruction suivant qu’il s’agit d’un alcoolisme aigu ou
chronique.
Ingéré de façon aiguë, l’alcool inhibe le métabolisme des
médicaments qui s’accumulent alors dans l’organisme. De
ce fait, la biodisponibilité du médicament est augmentée.
L’effet pharmacologique est alors potentialisé et les
risques d’apparition d’effets secondaires ou de toxicité
des produits concernés sont augmentés. C’est le cas par
exemple avec les anticoagulants oraux avec un risque
d’hémorragie augmenté et les psychotropes (anxiolytiques
de la famille des benzodiazépines, antidépresseurs…)
dont les effets sédatifs vont être potentialisés par la
prise d’alcool et conduire à des troubles de la vigilance.
Lors de la chronicité de la consommation alcoolique,
l’alcool intervient comme un inducteur enzymatique (il
stimule l’activité des enzymes du foie qui interviennent
dans la dégradation des substances médicamenteuses),
favorisant la formation de métabolites médicamenteux
inactifs. Plusieurs médicaments voient ainsi leurs
effets inhibés par l’alcool, comme par exemple certains
antirétroviraux.
A l’inverse, en cas d’insuffisance hépatique liée à l’alcool,
les capacités métaboliques du foie sont diminuées.