EM
n°53 fév. / mars 2016
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enquête
Il existe, chez l’alcoolique, un risque toxique accru du
paracétamol. De nombreux cas d’hépatites chez des
malades alcooliques chroniques ayant pris du paracétamol
à visée thérapeutique ont été publiés.
Compte tenu de la complexité et de la diversité des
mécanismes mis en jeu, la résultante pratique des
interactions alcool-médicaments est d’approche souvent
délicate. Il est très difficile de prévoir avec certitude et
précision le résultat de la consommation concomitante
d’alcool et de médicaments dans la mesure où la
résultante est fonction de l’importance de l’alcoolisation,
de la chronicité de l’alcoolisme, du sexe, de l’âge ou de la
sensibilité personnelle.
Des dangers
méconnus
De nombreux patients ne sont pas conscients de la
possibilité d’interférences des médicaments avec l’alcool
dans la mesure où ce dernier est souvent perçu comme
un nutriment habituel et anodin. L’alcool est une pratique
banalisée, considérée comme normale. De fait, l’information
sur les interactions entre molécules thérapeutiques et
éthanol semble mal comprise. Les professionnels de santé
doivent toujours veiller à inciter les patients à la plus
grande prudence quant à la consommation d’alcool lors de
traitements médicamenteux et les prévenir des éventuels
effets indésirables qu’ils pourraient rencontrer. Le principe
qui veut que l’on s’abstienne de consommer de l’alcool en
cas de prise de médicaments tient donc lieu de précaution.
Ce message est aussi à l’adresse des jeunes, auteurs de
pratiques déviantes. Selon l’Observatoire français des
drogues et des toxicomanies, 7 % des jeunes de 16 ans
ont expérimenté la prise concomitante de médicaments et
d’alcool « pour planer ou se défoncer ».
Autres chiffres accablants : 3% environ des accidents
de la route sont attribuables à la prise de médicaments
associée ou non à de l’alcool (source : Inserm), tandis
qu’en entreprise, alcool et drogues sont à l’origine de 20
à 30 % des accidents du travail recensés chaque année en
France. Ils coûtent aux entreprises en moyenne 1,5 % de
la masse salariale annuelle.
Le risque principal d’accidents provient des médicaments
de niveau 2 (risque moyen) ou de niveau 3 (risque
maximal), essentiellement anxiolytiques, hypnotiques,
antiépileptiques et antidépresseurs.
Dans notre pays, on ne connait pas la proportion de
français concernés par cette liaison dangereuse. L’une des
rares études à avoir récemment sondé ce phénomène a
eu lieu aux États-Unis. Résultat : près d’un consommateur
d’alcool sur deux (42% et près de 80% après 65 ans)
prendrait des médicaments incompatibles avec l’éthanol.
Or, la consommation d’alcool aux États-Unis, bien que
moins importante qu’en France (25
ème
rang OCDE),
concerne tout de même 71 % des Américains adultes !
Un repérage
sous-effectué en
consultation
En France, 13% de la population boit quotidiennement
de l’alcool ; 70% des 11-75 ans sont des consommateurs
occasionnels, selon l’OFDT. Associer alcool et
médicaments est un phénomène très courant. D’une
part, les alcolo-dépendants ont tendance à consommer
plus de médicaments que les autres, notamment les
anxiolytiques. D’autre part, il y a une méconnaissance
des dangers liés aux interactions médicamenteuses.
Une méconnaissance que partagent consommateurs,
prescripteurs et scientifiques. En première ligne, les
médecins n’interrogent pas toujours leurs patients sur
leur usage de l’alcool, a fortiori lorsqu’il est modéré. II
arrive souvent qu’ils prescrivent des médicaments contre-
indiqués sans effectuer de bilan de consommation,
par crainte d’être intrusifs et de rompre l’alliance
thérapeutique en posant ces questions. Le pharmacien
a aussi un rôle à jouer, notamment pour toutes les
molécules disponibles sans ordonnance.
UN BON RÉFLEXE
Pour tout nouveau médicament, lire la notice
reste indispensable. Au moindre doute, il
faut contacter son médecin traitant ou son
pharmacien. En plus d’éviter une association
malencontreuse avec l’alcool, ce simple geste
permet de vérifier ou de préciser le meilleur
moment pour prendre le médicament : avant,
pendant ou après un repas et, éventuellement, le
délai à respecter entre prises médicamenteuses
et alimentation. .