EM
n°56 novembre / décembre 2016
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L
a France compte quelque 13 millions de fumeurs et figure
comme le champion incontesté en Europe avec le plus fort
taux de fumeurs adultes réguliers (34,1%, source : OMS). Et,
mauvaise nouvelle : pour la première fois depuis 2010, les
ventes de tabac ont augmenté en 2015, selon le bilan annuel
de l’Office national des drogues et toxicomanies (OFDT).
Mais, paradoxalement, les ventes en pharmacie des
traitements de sevrage tabagique sont également en
hausse en 2015 après deux années de baisse. Néanmoins,
le niveau des ventes apparaît toujours bien inférieur
à celui observé au début des années 2010. Par ailleurs,
plus de patients ont été accueillis dans les consultations
de tabacologie et dans le cadre du dispositif Tabac Info
Service porté par le e-coaching par mail (site Internet +
l’application) au cours de l’année 2015.
Dans le même temps, l’essor de la cigarette électronique
enregistré depuis 2012 semble marquer le pas, avec
un marché moins dynamique en 2015 que les années
précédentes, ce qui a profité aux médicaments du sevrage
tabagique. Environ 6 % des Français âgés de 15 à 75 ans
utilisent la cigarette électronique, très majoritairement
des fumeurs réguliers (source : enquête Baromètre santé).
La cigarette
électronique,
porte d’entrée
sur le tabagisme ?
L’engouement pour ce produit devient moins prononcé, au
gré des études contradictoires sur son innocuité et son
efficacité. Une étude de l’Université de Californie publiée
récemment dans le JAMA suggère que le vapotage ne
faciliterait pas l’arrêt du tabac. Une autre étude, menée
à l’Université d’Honolulu à Hawaï apporte de l’eau au
moulin de la précédente, estimant que les adolescents qui
vapotent seraient 6 fois plus enclins à essayer la vraie
cigarette en un an ! En 2015, l’ US Preventive Services Task
Force estimait que les preuves étaient insuffisantes pour
pouvoir recommander l’usage de la cigarette électronique
dans le sevrage tabagique.
Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a rendu en
2014 un premier avis relatif aux bénéfices/risques de la
cigarette électronique où il restait très prudent dans ses
recommandations, indiquant notamment que la cigarette
électronique n’est pas recommandée comme outil d’aide à
l’arrêt du tabac...
En 2016, les connaissances scientifiques se sont étoffées
et de plus en plus d’associations de tabacologie, de
promotion de la réduction des risques, de consommateurs
de la cigarette électronique et de professionnels de santé
demandent une clarification du statut de la cigarette
électronique. Ce qui a amené le HCSP à réévaluer
ses anciennes recommandations. Celles-ci indiquent
dorénavant que la cigarette électronique :
•
•
peut être considérée comme un outil d’aide au sevrage
tabagique pour les populations fumeuses désireuses
d’arrêter leur consommation de tabac ;
•
•
constitue un outil de réduction des risques du tabagisme,
même si le débat reste ouvert pour les usagers à la fois du
tabac et de la cigarette électronique ;
•
•
pourrait constituer un point d’entrée dans le tabagisme
mais que ce risque serait contrebalancé par le fait qu’elle
pourrait aussi retarder cette entrée ;
•
•
induit un risque de « renormalisation » de la
consommation de tabac compte tenu de l’image positive
véhiculée par son marketing et sa visibilité dans les
espaces publics.
Même si la place de l’e-cigarette n’a pas fini d’être débattue
entre les détracteurs et les partisans, les dernières données
décrivant la prévalence de l’usage du tabac et de l’e-
cigarette, et les trajectoires sur un an, sont rassurantes.
Selon les résultats préliminaires d’une étude sur l’usage de
la cigarette électronique en France parus dans le Bulletin
épidémiologique du 25 mai 2016, son utilisation semble
être associée au désir d’arrêter de fumer ou de diminuer sa
consommation. En effet, il existe un gradient de la fréquence
des consommateurs de cigarettes électroniques en fonction
des paquets-années de tabac. Cependant, cette étude ne
Les moyens de lutte contre le tabagisme se sont étoffés avec l’utilisation des
cigarettes électroniques mais leur efficacité reste encore controversée. Que
faut-il en penser aujourd’hui, à la lumière des dernières données publiées ?
De même, le dernier plan national de réduction du tabagisme est-il le bon ?
Mises au point.
Par le Docteur Rémy Clément