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EM

n°56 novembre / décembre 2016

(7)

eptembre 2016, les douaniers interceptaient 625 kg de

cannabis en provenance d’Espagne, pour une valeur

marchande estimée à 3,8 millions d’euros sur le marché

illicite de revente des stupéfiants. Quelques jours plus

tard, une conférence de presse organisée par Terra Nova

évoquait les arguments en faveur d’une légalisation

contrôlée du cannabis. La semaine suivante, un colloque

s’est tenu au Sénat où a été présentée une proposition

de Loi partant du principe qu’une légalisation contrôlée

permettrait une meilleure prévention et une réduction des

risques tant sur le plan sanitaire que sociétal du fait d’une

baisse du trafic illicite et d’une réglementation visant à

contrôler et encadrer l’usage.

La loi

a Loi du 31 décembre 1970 prévoyait des peines de 300

à 1 540 euros et deux mois à deux ans d’emprisonnement.

Aujourd’hui, l’usage (la consommation) de stupéfiants (ce

qui est le cas du cannabis) est puni d’un an de prison et

d’une amende de 3 750 euros (Code de la santé publique) 

1

.

Il existe également un décret de 2015 qui prévoit une

transaction pénale permettant d’éviter le passage devant

un juge correctionnel sous réserve de régler une amende

à la police 

2

. Le Code de la Santé Publique n’est pas

seulement répressif, il indique également une série de

mesures destinées à réduire les risques et les dommages

du fait de la consommation de stupéfiant.

Aux Pays-Bas, souvent cité en exemple, le cannabis est

illégal, mais l’usage personnel est strictement toléré. Il

existe les fameux « coffee shop » où il est possible d’acheter

de petites quantités de cannabis pour un usage personnel

(5g par personne), mais si vous aviez la mauvaise idée

de fumer sur la voie publique, dans les boites de nuit,

dans un bar ou au volant, la tolérance disparaît et la

pénalisation reprend ses « droits ». Il faut bien comprendre

que cette tolérance ne vaut pas une légalisation car les

conditions d’usage sont seulement restreintes. Dans toute

la communauté européenne d’ailleurs la production, la

détention de stock, le trafic de cannabis fait l’objet d’une

pénalisation imposée par des conventions internationales 

3

.

Concernant l’usage, l’union européenne ne contient

aucun texte répressif, il reste à la libre appréciation de

chaque nation, ce qui complique la problématique du fait

de la libre circulation des personnes...

A ce stade, il devient utile de clarifier les différences entre

légalisation et libéralisation.

La libéralisation consiste, comme en économie, à ouvrir

le marché à une concurrence légale entre les producteurs,

les distributeurs, les revendeurs et ferait du sujet qui nous

intéresse, le trafic, un commerce qui serait banalisé et

dans lequel l’État n’interviendrait plus. C’est ce qui s’est

produit en 2010 avec la libéralisation des jeux de hasard

et des paris en ligne.

La légalisation consiste en la mise en place d’une

réglementation ou d’une régulation impliquant un

contrôle de l’État. C’est le cas de la distribution et de

1 Code de la Santé Publique, article L3421-1

2 décret n° 2015-1272 du 13 octobre 2015

3 Convention unique sur les stupéfiants de 1961 et la Convention de 1988

contre le trafic illicite de produits stupéfiants et de substances psychotropes

l’usage du tabac sur lesquels l’État a « la main mise ». Il

peut donc, au cas par cas, modifier cette réglementation

selon des réponses qu’il estime appropriées vis-à-vis de la

population. C’est ce qui se passe actuellement avec la mise

en place de la généralisation du paquet neutre en France

dès le 1

er

janvier 2017.

Les constats

a pénalisation semble inefficace devant l’augmentation

régulière du trafic et des usagers. En 2013, les saisies

douanières ont augmenté de 40% environ. Le nombre

d’interpellation a augmenté de 90%

4

. En 2014 près de 50%

de jeunes de moins de 17 ans déclarent avoir expérimenté

le cannabis au moins une fois dans leur vie

5

.

La répression et le système judiciaire sont devenus coûteux

pour la dépense publique et les estimations s’élèvent à

hauteur de 1 milliard d’euros chaque année

6

.

La consommation étant illicite, les consommateurs sont

souvent anonymes, notamment pour le cannabis récréatif

et, donc, il devient difficile de mettre en place des mesures

préventives visant à protéger la santé publique.

Pourtant, selon les statistiques, la consommation de

cannabis est aussi dangereuse que celle de l’alcool et,

si dans certains pays l’achat d’alcool reste contrôlé, en

France, pour une personne majeure, l’alcool est en libre

service sans limitation quantitative.

En juin 2015, selon l’Office Français des Drogues et des

Toxicomanies (OFDT), 17 millions de français auraient

expérimenté le cannabis au moins une fois dans leur vie,

4,6 millions sont des consommateurs occasionnels dans

l’année, 1,4 millions en consomment au moins dix fois

dans le mois et 700000 quotidiennement.

Pourquoi le cannabis

est classé stupéfiant

Le cannabis est une plante herbacée à tige cannelée pouvant

atteindre 1 à 3 mètres de hauteur. En partie inférieure, les

feuilles sont palmiséquées avec généralement 7 segments

allongés et dentelés. En partie haute les feuilles sont

simples et dentelées. La plante porte des poils dont

certains sécrètent une résine.

Le cannabis peut être cultivé sous presque toutes les

latitudes, en intérieur ou en extérieur, sous réserve que

les apports en eau et en chaleur soient suffisants. Cette

dernière condition détermine le taux de résine.

La plante se comporte comme une usine chimique et va

transformer le limonène (composé organique très répandu)

en dérivés complexes ou cannabinoïdes (75 connus à ce

jour) dont les principaux sont : le cannabidiol (CBD), le

cannabinol (CBN), le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC).

Il est intéressant de savoir que les vertébrés (dont l’homme)

fabriquent également un cannabinoïde endogène qui agit

sur des récepteurs dit cannabinoïdes et dont la stimulation

agit sur l’appétit, la coordination des mouvements, les

4 Rapport de la Douane

5 Selon OFDT et Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la

toxicomanie

6 Proposition de Loi de la Sénatrice et coll. Esther Benbassa (EELV)