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n°42 Février / Mars 2013
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n récent rapport de la Cour des Comptes, qui peut, consti-
tutionnellement, évaluer les politiques publiques depuis
2008, fait un état des lieux sur 10 années de la poli-
tique des gouvernements en matière de lutte contre le
tabagisme. Les résultats sont édifiants. La France arrive
loin derrière certains pays en matière de lutte contre le
tabagisme.
Pourtant, loin de rapporter à l’état, par le biais des taxes,
le tabagisme coûte plus cher et engendre un équivalent
d’impôts de 770
par français et par an.
Sur le plan méthodologique, la Cour des Comptes s’est
entourée d’un groupe de travail très large, mais a égale-
ment auditionné les représentants des buralistes, de l’in-
dustrie du tabac, des hôtels, des bars, afin de cerner tous
les paramètres du dossier.
Une mortalité
évitable
Le tabac est la première cause de mortalité évitable
73.000 morts/an, devant les accidents de la route (4.000),
les suicides (10.000) et l’alcool (30.000). Cancers, mala-
dies cardiovasculaires, maladies respiratoires chroniques,
sont des pathologies liées au tabac et un malade sur deux
décède prématurément.
Les lois Veil (1976) et Evin (1991) avaient pourtant permis
une baisse tendancielle et régulière de la consommation
tabagique. Les produits nicotiniques de substitution ont
également contribué à cette amélioration jusqu’en 2005,
année au cours de laquelle la tendance s’est inversée.
Cela est probablement du au changement de génération.
L’industrie du tabac a atteint une population qui n’avait
pas bénéficié pleinement des mesures anti- tabac.
Or les moyens financiers mis en jeu sont sous évalués par
rapport aux réels besoins d’information de cette «néo
population». Le résultat ne s’est pas fait attendre. La
consommation tabagique progresse et particulièrement
chez les jeunes.
Un investissement
financier en faveur
des buralistes
Paradoxalement, l’état qui devrait apporter son soutien à
la population et renforcer les moyens de prévention et
la communication sur les dangers du tabac, a apporté, à
deux reprises, un soutien financiers aux buralistes, dont le
chiffre d’affaires a augmenté de 64% entre 2002 et 2011.
Cette situation est l’une des causes de la consommation
tabagique. Par ailleurs, le rapport de la Cour des Comptes
fait remarquer que les mesures prises ne sont pas coor-
données, qu’elles manquent de continuité dans le temps,
qu’elles ne sont pas assez rigoureuses, insuffisamment
contrôlées et, lorsqu’elles le sont, les sanctions sont
laxistes, pour ne pas dire inexistantes. Ce constat est donc
en rupture avec les autres politiques de santé publique
beaucoup plus sévères et contrôlées, comme la sécurité
routière. Pour celles-ci, les mesures sont fortement répres-
sives et toute campagne est fortement médiatisée, surtout
en période de congés. Les statistiques sont suivies régu-
lièrement par les journaux télévisés et le budget qui est
consacré est 10 fois supérieur à celui de la lutte contre le
tabagisme.
L’exemple de la Grande Bretagne serait un exemple à
suivre. Un anglais sur cinq est fumeur, contre un sur trois
en France. La politique de lutte contre le tabac est ferme
et multifactorielle sur le plan de la communication : poli-
tique de prix élevés, réglementation sévère et contrôlée,
campagne de communication régulières, intégration des
aides au sevrage avec une bonne coordination des ins-
tances et des professionnels de la santé.
Un danger ignoré,
surtout des jeunes
Un récent sondage IFOP indique que tous les français inter-
rogés savent que le tabac peut engendrer un cancer, mais
25% pensent que seul un fumeur sur dix mourra (alors que
un fumeur sur deux en meurt), 50% pensent que le nombre
des décès est de 6.000 par an (alors qu’il est de 73.000).
Parmi les gros fumeurs (plus de 20 cigarettes) l’ignorance
est encore plus marquée et 27% pensent qu’un fumeur sur
cent seulement meurt du tabac.
C’est dire l’importance d’une communication multicanaux
large et pluriannuelle.
La réplique des fabricants est d’ailleurs basée sur l’igno-
rance des populations, en proposant des produits «moins
nocifs», après les cigarettes blondes et les cigarettes
«light», un fabricant n’hésite pas à faire part d’un pro-
gramme de recherche (non démontré par des organismes
indépendants) de tabac sans combustion. Il s’agit de
sachets de tabac, «snus», destinés à être consommés dans
la cavité buccale. Aussi nocif, il est interdit dans toute
l’union européenne.
En conclusion, la Cour des Comptes décrit une série de
recommandations, qui, si elles étaient suivies, devraient
faire reculer la mortalité tabagique en France.
Chiffres clés
• Le chiffre d’affaires de l’industrie du tabac en
France est de 2,1 milliards d’euros.
• La France soutien le contrôle du tabac à hau-
teur de 0,08 € par an et par habitant, l’Angle-
terre 1,10 € et l’Australie 5 €.
• La vente de tabac rapporte à l’état 11 milliards
d’euros (en TVA), il coûte 47 milliards à la
société, soit un impôt de 772 € par français et
par an.
• Le tabagisme est une maladie de l’enfant :
âge moyen d’initiation 13 ans ; l’industrie doit
recruter 200 à 300 000 enfants par an.
• 73.000 morts par an en fait la première cause
de mortalité évitable.
Source :
, rapport
de la Cour des Comptes
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