EM
n°55 août / septembre 2016
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ommeil, quand tu nous manques ! Voilà bien un sujet
qui est une préoccupation des temps modernes, celui des
voyages intercontinentaux, des informations 24/24, des
activités multiples, du stress au travail ou à la maison,
des obligations sociales... Nos grands-parents ou arrières
grands-parents qui ne bénéficiaient pas des technologies
actuelles et qui vivaient au gré rythme soleil/nuit avaient
peut-être moins de troubles du sommeil...
Nous allons voir comment fonctionne notre organisme et
comment se met en place, dans notre corps, sans que nous
nous en doutions, un mécanisme de régulation très fin
du cycle veille/sommeil. Nous allons voyager au cœur de
notre cerveau pour comprendre, puis agir en conséquence.
Histoire
L’évolution de la connaissance des mécanismes du cycle
veille / sommeil s’est fait en trois grandes étapes :
1/ 1958
: découverte de la Mélatonine par un américain
de l’université de Yale, Aaron Lerner. Cette hormone fut
tardivement étudiée avec plus d’intensité dans les années
1980. C’est une hormone qui est sécrétée par une petite
glande située à la base du cerveau : la glande pinéale.
Une hormone présente la caractéristique d’être déversée
directement dans le sang par la glande qui la produit.
De ce fait l’information s’étend dans tout l’organisme
puisque tous les organes et tissus sont irrigués par le
sang. La mélatonine est inversement influencée par le
flux lumineux provenant de l’environnement. Elle est donc
sécrétée la nuit entre 22h00 et 6h00. Cette régulation
nycthémérale (cycle de 24 h) est universelle. Elle existe
chez l’homme, bien sûr, mais aussi chez tous les animaux
(les mammifères en particulier). Le monde végétal est
encore plus dépendant du cycle jour/nuit.
2/ 1961
: découverte du 6-méthoxy-harmalan par Mc Isaac.
Indirectement sécrété par la glande pinéale, il possède un
métabolisme qui est greffé sur celui de la mélatonine.
C’est l’hormone de la veille. Son nom vient du fait qu’il
possède une analogie chimique structurale très voisine
avec l’harmaline, alcaloïde ayant une activité stupéfiante,
synthétisé par peganum harmala, plante vivace de 40 cm.
Elle était utilisée au 1er siècle par Dioscoride pour traiter
la mélancolie du fait de son activité stimulante...
3/ 1994
: découverte de la Valentonine par Jean-Bernard
Fourtillan, professeur de pharmacie chimique à Poitiers.
Cette hormone est elle aussi fabriquée et sécrétée par la
glande pinéale. C’est elle la vraie hormone du sommeil.
Les origines
Nous allons aborder les origines de ces trois molécules,
c’est à dire leur synthèse biologique. Tout part d’un acide
aminé bien connu le tryptophane. Celui-ci, sous l’effet d’une
enzyme cellulaire, dont le rôle est de favoriser une réaction
biologique, va se transformer en sérotonine (ou 5-hydroxy-
tryptamine). Faisons une pause. La sérotonine est un
neurotransmetteur qui intervient dans la transmission de
l’influx nerveux entre les neurones (dits sérotoninergiques)
en agissant sur des récepteurs post-membranaires: les
récepteurs sérotoninergiques ou 5-hydroxy-tryptamine
(5-HT2C). Ceux-ci vont revêtir une grande importance dans
la régulation du cycle veille/sommeil, sous l’influence des
3 hormones : la mélatonine, le 6-méthoxy-harmalan et la
valentonine. Poursuivons. Sous l’influence d’autres enzymes,
tout en conservant la même structure chimique et, par
greffe d’un radical chimique (COCH3), la sérotonine va se
transformer en mélatonine. Cette dernière donnera à son
tour deux analogues structuraux: le 6-méthoxy-harmalan
et la valentonine (avec comme différence entre eux, un
radical : COCH3). Autant dire que ces trois hormones sont
des «cousines germaines» qui ont pour «parent commun»
la sérotonine. Il existe donc dans les cellules de la glande
pinéale une chaine de fabrication: tryptophane=>sérotonine
=>Mélatonine => 6-méthoxy-harmalan => valentonine.
Les actions
pharmacologiques
•
La SÉROTONINE
La sérotonine, ou 5-hydroxy-tryptamine, est un
neurotransmetteur très important au niveau du système
nerveux central, tout comme la noradrénaline. Elle est
également présente en périphérie, au niveau du tissu
intestinal, des plaquettes. Sans entrer dans le détail
elle agit sur plusieurs récepteurs et elle est impliquée
comme neurotransmetteur dans le cycle veille / sommeil,
la thermorégulation, les comportements alimentaires et
sexuels, la douleur, la motricité. Nous l’avons vu, c’est
aussi le précurseur de la mélatonine.
•
La MÉLATONINE
Hormone sécrétée par la glande pinéale (mais aussi par
d’autres structures comme la rétine) sous l’influence
de l’absence de lumière. Sa structure chimique est très
proche de la sérotonine. Elle est sécrétée entre 22h et
6h. Elle seule est dosable dans le plasma ou la salive.
C’est un marqueur fort du cycle veille / sommeil, et en tant
qu’hormone diffusée directement dans le sang, elle va
jouer un rôle « synchroniseur » dans tout l’organisme. Elle
va réguler tous les rythmes circadiens « en binôme » avec
les noyaux suprachiasmatiques : température centrale,
veille / sommeil, glycémie, cortisol, pression artérielle...
•
Le 6-MÉTHOXY-HARMALAN
En bloquant les récepteurs sérotoninergiques (5-HT2C),
il augmente la vigilance, élève la pression artérielle, la
fréquence cardiaque et favorise la contraction musculaire.
•
La VALENTONINE
En activant les récepteurs sérotoninergiques (5-HT2C),
elle diminue la vigilance, abaisse la pression artérielle, la
fréquence cardiaque et provoque le relâchement musculaire.
Il existe des interactions étroites entre les métabolismes
des molécules du cycle veille / sommeil et ceux-ci sont
régulés par le
synchroniseur externe lumière / obscurité
.
Rythmes circadiens
Un rythme circadien est définit par sa période (proche des
24 heures) et par son amplitude. Ils sont régulés par des
synchroniseurs internes (noyaux suprachiasmatiques) et/